theatre-contemporain.net artcena.fr

L'Inattendu - Le Diable en partage

Création à partir des textes L'Inattendu de Fabrice Melquiot, Le Diable en partage de Fabrice Melquiot,

: Notes sur Le diable en partage et L’inattendu.

Emmanuel Demarcy Mota

Après Six personnages en quête d’auteur de Pirandello, je souhaite aujourd’hui faire aboutir un projet dont le désir revient régulièrement depuis plusieurs années : celui de travailler, avec l’équipe de création qui est la nôtre depuis Peine d’amour perdue de Shakespeare - les acteurs, mais aussi Yves Collet pour la scénographie et la lumière et Jefferson Lembeye pour la musique - sur une écriture contemporaine, celle d’un jeune auteur vivant, Fabrice Melquiot, d’ailleurs collaborateur de longue date de la compagnie.


Les textes de Fabrice Melquiot, souvent nés de voyages, sont porteurs d’une grande sensibilité quant aux pays traversés, aux êtres rencontrés. Le diable en partage, écrit à la suite d’un séjour en ex-Yougoslavie au lendemain de la guerre, porte cette qualité en puissance : la grande violence d’un monde au bord des ruines, les haines fratricides qui rongent les familles se heurtent toujours à l’humanité profonde des personnages sans jamais l’emporter complètement. L’inattendu, traversé quant à lui d’impressions d’Afrique, entraîne une jeune femme, et le spectateur avec elle, dans une cascade vertigineuse de souvenirs, ceux de moments partagés avec un être aimé disparu trop tôt. Les paysages, les océans, le monde entier bientôt, seront convoqués sur la scène, comme autant de témoins de cette liaison fantôme.


Pas de cynisme, jamais d’amertume. C’est certainement une des grandes qualités de cette écriture, en même temps que sa spécificité, que de toujours préserver un fond de tendresse pour des personnages que tout pourrait condamner (Le diable...), une grande vitalité pour ceux qu’une perte irréparable pourrait anéantir (L’inattendu).


Par la grande délicatesse dans l’écriture des personnages féminins, la vivacité des dialogues entre les jeunes gens - ping-pong verbal ou drague insolente - on a toujours le sentiment d’être en présence d’une langue très personnelle, riche d’univers différents, de rythmes spécifiques : souvent fort d’images poétiques inattendues, le travail sur la langue, son élaboration, peut basculer en un clin d’oeil dans un autre registre, plus trivial sans être quotidien, avant de s’élever à nouveau.


Enfin, Le diable en partage et L’inattendu contiennent une dimension profonde d’étrangeté, une part de mystère qui ne repose pas tant sur la poésie du langage que sur les situations qui sont proposées : ici, les fantômes sont légion, les morts comme les vivants apparaissent régulièrement aux êtres aimés - ou exilés - sans que l’on puisse jamais savoir si nous sommes dans un rêve ou dans la réalité. Se pose alors pour nous des questions éternelles du théâtre, sur la représentation des fantômes, la réalité des espaces proposés, les natures possibles du jeu de l’acteur. Ces questions, rencontrées déjà dans Six personnages en quête d’auteur de Pirandello ou dans Marat-Sade de Peter Weiss, nous rappellent une donnée essentielle : Le diable en partage comme L’inattendu sont authentiquement contemporains, mais leur grand mérite, à nos yeux, est qu’ils sont aussi, authentiquement, du théâtre.

imprimer en PDF - Télécharger en PDF

Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné, Je me connecte Voir un exemple Je m'abonne

Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.