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Purgatoire à Ingolstadt

+ d'infos sur le texte de Marieluise Fleisser traduit par Kevin Keiss
mise en scène Maëlle Poésy

: Note de mise en scène

Portrait et questionnement d’une génération

L’oeuvre de Fleisser brosse le portrait d’une jeunesse qui étouffe en tentant de se conformer aux codes imposés par la religion, la société, le modèle parental. Comme le sous-titre de la pièce L’Éveil du printemps de Wedekind, il s’agit d’une « tragédie enfantine ».


Purgatoire à Ingolstadt, à travers une suite de tableaux courts, esquisse sur le vif les instantanés d’une jeunesse dans ce moment crucial que représente l’entrée dans l’âge adulte, et les questions qui en découlent. Dans un contexte social vacillant, le modèle parental est mis à mal, la religion a perdu de son sens, et les représentants de l’ordre donnent des signes des futures dérives à venir (la pièce date de 1924). Il s’agit pour les deux personnages principaux Olga et Roelle de définir ce qu’ils sont, ce qu’ils souhaitent être. Ce parcours passe par la confrontation à l’autre, aux autres et pose la question de l’affirmation de ce que l’on est quand tout tend à nous normaliser, pire, à nous aliéner. Le purgatoire devient alors une métaphore de l’attente du dénouement possible pour cette génération, dont l’issue est pour certains synonyme de « délivrance » et pour d’autres de « destruction ».


Le personnage principal, Roelle, est « l’Autre », l’étranger du groupe. Celui que l’on brime mais qui impressionne malgré tout par sa différence. Roelle ne souscrit pas à la morale en vigueur. Il cherche un ailleurs possible dans l’amour absolu qu’il a pour Olga et dans sa quête spirituelle. Il tente par tous les moyens de se fondre dans ce groupe de jeunes qui l’exclut. Roelle est en quête de statut, d’identité. En réinterrogeant la religion et les différentes formes d’aliénations subies, loin de s’intégrer aux autres, il ne s’en exclue que davantage. Après les humiliations infligées par ses camarades qui tentent de censurer ses propos, Roelle s’échappe de plus en plus d’une réalité qu’il rejette et essaie de la reconstruire à sa manière.


À travers un jeu très imagé, c’est la vision du monde de Roelle qui prendra peu à peu le pas sur la réalité. Les personnages apparaissent, disparaissent comme des visions, nous rentrons dans les perceptions que Roelle a du monde. Jusqu’au moment où il devient difficile de distinguer le vrai du faux, où le monde se transforme peu à peu en ce que ce personnage souhaiterait qu’il soit : plus onirique, plus libre. Les références aux corps des personnages sont nombreuses dans la pièce, ils sont empreints du malaise ambiant, d’une violence contenue, de désirs naissants. Je souhaite travailler ces corps, comme des voix cassées, qui évoqueraient le chant de Patti Smith à la fin de la reprise des Who, « I am so young ». Cette pièce ressemble à un cri étouffé, elle confronte violence et poésie, avec l’urgence de sortir d’une situation qui s’enlise.


Tout en étant traversée par des thématiques propres au début du 20e siècle, cette génération a ceci de comparable à la nôtre qu’elle interroge la notion d’échappatoire et de possibles dans une société que l’on voudrait nous faire croire inamovible. Il me paraît intéressant d’explorer, avec le collectif de jeunes artistes que nous sommes, la question de l’héritage et du positionnement de la jeunesse face à celui-ci. Que conserve-t-on des générations précédentes ? Quels moyens se donne-t on pour affirmer sa liberté ? Il s’agit d’utiliser les visions de Roelle, son basculement dans une forme de délire, pour traduire les pulsions d’une jeunesse qu’on asphyxie, son rapport à l’idée de transgression, et à un possible avenir. Un essai de jeunesse de Fleisser résume parfaitement la question posée par certains personnages de la pièce « La rébellion estelle un péché ? » Que devient une société quand sa jeunesse ne se reconnaît pas dans les codes imposés ? Quelle échappatoire cette génération s’invente-t-elle ? Quelle dérive religieuse ou totalitaire ce besoin de liberté peut-il engendrer ?

Maëlle Poesy

novembre 2012

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