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Le Misanthrope

+ d'infos sur le texte de  Molière
mise en scène Dimitri Klockenbring

: Note d’intention

Le Misanthrope est une comédie qui se termine mal.


Une mouche, prise au piège dans un verre, se débat jusqu’à ce que ses forces l’abandonnent. Elle se cogne inlassablement contre les parois transparentes, toujours dans l’espoir d’accéder à la liberté. Alceste me fait penser à cette mouche. Il se débat, lui aussi, inlassablement, incarnant la souffrance de l’humain qui s’acharne à atteindre un idéal, un absolu, n’acceptant pas ou ne voyant pas les limites intrinsèques de cette quête.
Cette énergie dépensée me bouleverse, car elle met au jour son paradoxe, témoignant d’une incroyable volonté de vie dans un monde qu’il ne supporte pas.


Alceste est blessé, orgueilleux, tyrannique, utopiste, amoureux, drôle… On rit de lui comme d’un adolescent, mais il nous questionne : n’avons-nous pas le droit de refuser le monde tel qu’il est ? Il nous déstabilise même, à tel point que par moments, le public doit être désespéré de donner raison à Philinte.
C’est dans ce foisonnement de sensations et de pensées que se situe pour moi la nécessité de monter cette pièce et du théâtre en général : ne pas se laisser gagner par une schématisation ambiante de l’être humain. Explorer toutes ses ambiguïtés, ses incohérences, ses contradictions. Embrasser les humains dans leur complexité.


L’argument de la pièce est simple : il s’agit d’un groupe de gens et de leur façon d’être au monde. Dans notre société, qui pousse à l’extrême le culte de l’individu, le questionnement intime sur le rapport à autrui, que soulève la pièce, est d’une validité tout aussi forte de nos jours. Je pense que Alceste est un personnage éminemment contemporain, en ceci qu’il est dans un antagonisme permanent entre son désir individuel et les nécessités sociales.
L’homme sait-il mettre son ego de côté afin de s’ouvrir à l’autre ? Que penser d’un homme qui préfère être sûr de son malheur plutôt que d’espérer un bonheur incertain ? À quelle part de liberté faut-il renoncer pour rencontrer l’autre ?


Le temps de la pièce est pour moi le temps de la crise d’Alceste.
J’emprunte ce terme au jargon médical, où il signifie la phase décisive dans l’évolution d’une maladie. En effet, tout comme la mouche, qui, au bout d’un moment, s’épuise, je pense que Alceste arrive à l’extrémité de son combat et que le moment du choix est inéluctable. Son dénouement, qui ne se révèle selon moi que dans les tout derniers vers de la pièce, ne peut être ainsi que radical : acceptation ou refus total de son environnement. Ici se décide de l’incarnation des principes dans un monde qui les proclame, tout en vivant de les enfreindre. Je veux montrer à travers cette pièce un processus, afin d’essayer d’appréhender ce qui amène l’humain à basculer dans l’irréconciliable, dans l’irréversible.


Alceste vit comme un échec absolu la cupidité, l’hypocrisie et le mensonge de ce monde, qu’il rêvait honnête et vertueux. Comment nous arrangeons-nous avec nos déceptions et nos désillusions ? Lui, se retire du monde. Cette comédie se termine mal car pour moi cette issue est un échec. Alceste a voulu sauver le monde, il finit par le fuir. Or pour moi, il ne s’agit pas de le sauver, mais de l’affronter.


J’ai choisi de mettre en scène des comédiens, que l’on peut penser jeunes pour ces rôles – moyenne d’âge 25 ans (excepté Oronte et Arsinoé) –, car c’est la tranche d’âge où, de nos jours, il n’est plus question d’innocence ni même d’adolescence, mais où l’on est amené à se positionner vis à vis du monde qu’on est censé intégrer.


Mon but n’est pas d’honorer un «classique», mais de m’en servir pour parler des hommes et des femmes d’aujourd’hui.

Dimitri Klockenbring

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