On se situe typiquement dans un cadre de récit à tiroirs, avec effets d’histoires dans l’histoire, récits élastiques, allers-retours temporels et géographiques.
Contrairement aux trois précédentes créations du Théâtre du Loup cette réalisation se fait dans une forme et avec une distribution réduite: 6 comédiennes et comédiens, un homme-orchestre et un figurant omniprésent. Les contributions et le nombre de rôles de chacun sont donc inversement proportionnels à la modestie du cadre.
Pour les comédiens il s’agit de faire naître de leur personnage de “première couche“ une deuxième série de figures aussi nombreuse que leur intrigue le nécessite.
Avec comme armes principales les mots du récit et l’imagination du spectateur. Encore faut-il la stimuler judicieusement par un subtil dosage entre incarnation et narration pure.
Et c’est le rôle de la mise en scène de construire une lecture efficace en navigant entre le suggéré et le montré. Entre le résolument théâtral et l’appel direct à l’imagination produit par une voix off dans le noir, par exemple.

Qui dit narration, dit travail sur le phrasé, la rythmique, la justesse, la précision: Stefano Benni n’est pas un auteur minimaliste, sa langue est prolixe et c’est paradoxalement pour nous une invitation à faire entendre chaque mot, dans ses nuances, son sous-texte, son ironie ou sa poétique.
Qui dit navigation entre récit et jeu théâtral, dit souplesse, sens de la rupture et capacité à varier les couleurs. Et qui dit petite équipe, dit grande solidarité entre les interprètes, surtout en regard du travail choral que nous envisageons avec les comédiens-narrateurs. Si une ou deux histoires seront conduites en solo, la plupart seront prises en charge en équipe, d’une façon quasi symbiotique, avec passage de relais au mot, à la virgule près.
Là encore il s’agit de s’amuser avec une certaine diversité dans les grammaires et types de représentation. Mais c’est plutôt dans un registre qui va de l’ épique au poétique que nous naviguerons, avec recours à la distanciation, à l’ellipse, au décalage, au théâtre d’objet, et pourquoi pas aux trucs de bonimenteurs, animateurs télé et autres speakers sportifs de haut débit…