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L'Utopie à crédit

+ d'infos sur le texte de Daniel Lemahieu
mise en scène Nicolas Derieux

: Note de l'auteur

Sans gras théâtral, cette comédie musicale moud cependant gros. Comment ? Deux bandes rivales s’affrontent et se battent. L’une détruit les autres et elle-même tout à la fois : les FOKMI, avec Raki, le chef de la bande, Rita, la femme de la bande et Rico, l’insoumis de la bande. L’autre exploite tout un chacun mais surtout les sans-riens à grand renfort de crédits, au jour le jour et à la petite semaine : les YAKA, avec Faustus, le père, Faussetée, la mère, Fausto, le fils, Faustine, la fille et Zizimi, l’intérim à précarité indéterminée et à vie des YAKA.
Malgré les clashs perpétuels et les splashs infernaux entre ces deux clans d’allumés, une idylle naît entre une femme d’une clique et un homme de l’autre claque. Au coeur des pires situations, un peu d’amour, d’amour, d’amour… Normal. Mais que se passe-t-il quand les cliques font des claquettes pendant que les claques envoient tout en l’air et eux-mêmes par la même occasion ? Qu’arrive-t-il quand un drame-musiquette, une guinguette-opéra, une comédie-vaudeville jettent un petit œil malin du côté de West-Side Story tout en taillant un brin de causette à L’Opéra de quat’sous ?
Ça produit des machines guns sérénades où ils dansent pour ne pas pleurer et chantent jusqu’à ce que poumons éclatent.
Mais qui sont donc ces ILS ?


Le gang des burins, des braques, des casses, des claques


Le gang des burins, des braques, des casses, des claques, toujours prêt à tout faire sauter pour dévaliser tout ce qui se présente comme marchandises à revendre, à troquer, à négocier, finalement se dispute en petit comité.
Pourquoi ?
Après avoir volé, braqué, dérobé les marchandises de la clique des crédits, que faire ? Les vendre ou les distribuer ? Sur ce point, ils se déchirent, se laminent, se bouffent le pif, se rentrent dedans par volonté de puissance ou plutôt par basses jalousies mal placées et prises de bec mal assumées. Car ils se croient tous uniques et voudraient tout posséder autant les êtres que les objets. Leurs désirs de femmes leur sont des désirs de pouvoirs déguisés. Dis-moi qui, quoi tu possèdes, je te dirai qui, quoi tu es ! Ainsi courent-ils de l'œuf au bœuf, du portable à l’ordinateur, de l’alcool au pétard, de la fumette à la came, de l’arme blanche à l’arme à feu, et du bloc au trou noir de la tombe en cul-de-sac.


Le clan des crédits à n’importe quel prix, bande de cliques à tout prix


Le clan des crédits à n’importe quel prix, bande de cliques à tout prix fourgue à n’importe quel misérable sans-rien, l’à-peine solvable, tout le crédit nécessaire à l’achat d’une quelconque marchandise, surtout celle qui ne sert à rien ou à pas rien grand-chose. Pas de petits profits. Les cliques vivent du crédit à gogo, du crédit des gogos pour gogos à gogo. Bref, pisser du crédit au jour le jour, remboursable au jour le jour, trois cent soixante-cinq jours sur trois cent soixante-cinq. Aux sans-riens misérables leur faire les deux esclavages : celui de la marchandise et celui du crédit. Aussitôt achetée, la marchandise disparaît dans sa consommation fugace. Aussitôt accordé, comme un feu, le crédit embrase et consume tout ce qu’il touche. Car, pour payer leur crédit, ils empruntent du crédit. À crédit, le crédit ! Et ainsi de suite jusqu’à boire le bouillon du surendettement et finir dépouillé et damné avec ses seuls yeux pour pleurer.


Théâtre de société : gang des postiches contre société de crédit


Il arrive que la fiction dépasse la réalité. L’Utopie à crédit n’y échappe pas. Dans les années quatre-vingt, le gang des postiches braquait. Dans les années quatre-vingt-dix, une société de crédits, accordés à la semaine, la semaine, en banlieue parisienne, prospérait. Depuis 2006, les prêts hypothécaires « douteux» délivrés par les banques ruinent les classes moyennes américaines incapables de rembourser, et peu à peu le monde entier. Les postiches s’en prenaient aux banques et aux supermarchés avec faux-nez, perruques, masques, barbes et moustaches, lunettes à verres bleus ou roses. Ils enfilaient à tour de rôle l’imper mastic du vieux Tournesol affublé d’une perruque poivre et sel ; le chapeau cloche, manteau marine et barbiche pointue du rabbin ; le loden vert et la chapka de fourrure du faux russe. Ils s’appelaient La Glue, Patrick et Schubert ; Moustache, Gino et Goliath ; Athos, Porthos et Tintin ; ou encore Omar, La Plume et Milord. Manquaient plus à l’appel que les Pieds Nickelés et les Max Brothers en goguette ! Rois du « braco », ils emmerdaient la société et réinventaient un monde organisant des ventes sauvages à prix cassés ou des distributions gratuites de tous les butins amassés : frigos, hi-fi, T.V., machines à laver et à essorer. Moyen pour les sans-riens de s’équiper pour pas cher. Souci pour les burins de tout redistribuer. Les richesses appartiennent à ceux qui s’en emparent. Bien mal acquis profitent toujours.
Voilà les postiches !
Quant à la société de crédit ? Elle était britannique et installée en banlieue. Elle vendait de l’électroménager à crédit au jour le jour : dix francs à rembourser par jour. Aujourd’hui ce serait un euro cinquante. Le prix d’une machine coûtait ainsi le double voire le triple puisque achetée à bas prix dans les pays émergents et revendus à prix d’or aux forçats du crédit. Selon l’adage libéral, un type endetté peut toujours l’être davantage. Mais ce cercle a une fin, la rue, le trottoir quand il ne reste rien. Fin de l’histoire : la société de crédit n’a pas tenu longtemps car un crédit consenti reste un crédit à rembourser. Mais si tu n’as pas de quoi ? L’usure use jusqu’à l’os. Et après l’os rongé, tu redeviens poussière. Sauf que la vie continue.


Dans cette lutte sans merci, toutes les personnes devenues personnages tournent en rond dans leur cage, épousant les démarches qui les ont fait être ce qu’ils sont : le pas mielleux du prêteur, le pas insolent du braqueur, le pas assuré du séducteur, le pas craintif de l’homme traqué, le pas de la fille aguicheuse, le pas langoureux de l’amoureux, le pas prétentieux du chef de la bande, le pas de la fille de trottoir, le pas fourbe du traître, le pas planant et plané du drogué, le pas de la mère inquiète, le pas du bourré, le pas des femmes en furie, le pas du père sévère, le pas du fils transi, le pas des hommes plus bêtes que leurs pieds… et ainsi de suite.


Est-ce qu’on peut dire aussi tout finit par des chansons, le monde ne dit-il pas « I love you », n’est-ce pas Woody Allen, même en pleine catastrophe ?


Alors quoi, que ?

Daniel Lemahieu

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