: Note d'intention musicale
Sauvé des flammes
La destinée de cet ouvrage entre sa composition et sa recréation aujourd’hui
fut faite de rendez-vous manqués, malgré des qualités intrinsèques
extraordinaires, à propos desquelles Camille Saint-Saëns écrivait en 1872
dans La Renaissance littéraire :
«M. Massenet a une merveilleuse organisation musicale. Il a le don de la mélodie, du
sentiment du pittoresque, la vivacité du rythme : il a une façon à lui de traiter
l’orchestre, qui le ferait reconnaître entre mille : c’est un mélange de recherche
raffinée et d’éclat violent, avec des douceurs exquises, qui rappelle certaines étoffes
d’Orient, brodées et pailletées. Il réunit enfin tout ce qui peut séduire et charmer,
en y joignant une prodigieuse facilité. […]! Pour revenir à Don César, c’est une
partition légère, brillante, pimpante, écrite évidemment au courant de la plume et
qui se laisse écouter sans fatigue. Il est bien entendu qu’elle n’a rien de commun
avec les platitudes qui sont la coqueluche d’un certain public. M. Massenet semble
avoir pris à tâche d’apprivoiser l’ogre de la critique : il a soigneusement dissimulé
son lyrisme et son tempérament de symphoniste, et ne nous a donné que la menue
monnaie de son talent, laquelle est bien supérieure aux joyaux ciselés de la plupart
de ses confrères. »
Vrai, Massenet fait preuve d’économie dans les moyens : il compose une série de perles, chacune plus parfaite que la précédente, sans la moindre inégalité, et avec une variété stupéfiante. Ainsi les caractères de chaque personnage, sombre passionné, joyeux ou cocasse, sont-ils magistralement transcrits.
C’est l’idéal de l’opéra-comique tel qu’on le rêve aujourd’hui, avec un langage harmonique plus avancé que celui d’Adam ou d’Auber, une efficacité extrême des scènes d’ensemble, une poésie enivrante des accompagnements de choeur, sans tomber dans l’excès symboliste de la longueur extatique...et trop rapidement monotone. De l’action, de la roublardise, de la sonorité pleine et emportée, voilà Don César de Bazan ! Son temps est enfin venu et toutes les conditions les plus miraculeuses sont réunies pour en donner une version magnifiée.
Parce que le matériel original a brûlé dans l’incendie de la salle Favart en 1887, nous avons la chance de disposer d’une nouvelle mise au propre par l’auteur, faisant apparaître les coupures qu’il souhaitait. Le chant-piano de la première version ayant été gravé par Heugel, nous pouvons envisager de réorchestrer les airs que Massenet avait composés pour son premier Lazarille – Célestine Galli-Marié, la fameuse créatrice de Carmen – manifestement plus talentueuse que la cantatrice de 1888. Nous avons reconstitué le conducteur à partir d’un matériel Heugel partiellement manuscrit utilisé en 1910-1911 pour trois représentations bordelaises.
Pierre Girod
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