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Don César de Bazan

Damien Bigourdan ( Mise en scène ) , Mathieu Romano ( Direction musicale ) , Jules Massenet ( Musique ) , Adolphe D'Ennery ( Livret ) , Jules De Chantepie ( Livret )


: Note d'intention de mise en scène

Don César de Bazan fut créé à l’Opéra-Comique en 1872, monté une fois ou deux par-ci par-là jusqu’aux années folles, avant d’être quasi oublié… Quel plaisir et quelle excitation lorsqu’un grenier nous ouvre ses coffres anciens ! Comment ne pas trépigner à l’idée d’entendre une musique qui n’est aujourd’hui que partition, dont aucun enregistrement n’existe ? Quel enthousiasme et quel défi de nous savoir attendus presqu’autant qu’à la toute première représentation ! De savoir que la curiosité sera aiguisée comme jamais, puisque Jules Massenet est bel et bien un géant désormais.


C’est comme s’il nous était donné de plonger dans les abysses du rêve d’un endormi, d’y devenir acteur puis spectateur, sans la moindre inquiétude de bousculer ou contrarier ce sommeil. Don César de Bazan dort paisiblement, mais il a dormi trop souvent et depuis trop longtemps !


Plusieurs grandes lignes vont orienter la création de notre spectacle.
Avant toute autre, celle du divertissement. Mais au sens premier. Il s’agit de nous détourner de nous-mêmes, de nous transporter ailleurs, de nous emporter s’il se peut. Un envol, voilà le premier défi… un envol.
La seconde guidera les précieux artistes que nous avons choisis vers l’abandon au chant, l’incarnat du jeu, et le don inconditionnel d’eux-mêmes au coeur du drame. Ces personnages sont entiers, comme de violents traits de peinture, et pourtant le fil du récit les rend multiples et complexes, adoucit certains, creuse d’autres. L’oeuvre façonne avec insistance et minutie, comme le scalpel d’un chirurgien.


Don José, tel Méphistophélès, vient bousculer tout et tous, obsédé par son seul intérêt. Le diable, si utile et délicieux au théâtre, en marionnettiste amusé ou furieux, manipule nos héros à l’envi. La schizophrénie devient loi au coeur de cet ouvrage, aux tréfonds de ces créatures… Don César, Maritana, Lazarille et le roi d’Espagne composent un quatuor éperdu, où chacun en ses méandres intimes, inexorablement, court vers son dépouillement propre, vers l’âme qui vocifère sa soif d’authenticité.
Noblesse ne nait-elle que d’un titre ? En cette question la nacre de cet opéra... Don César de Bazan, comte de Garofa, en se répétant maintes fois « Qui suis-je ? », et en confiant son titre à une fille des rues, convoque la question de la noblesse, de l’exacte noblesse.


En disparaissant, il reparait transfiguré ; en bravant la mort sans en mourir, il naît enfin comme il se le devait. Il se dépouille du comte pour susciter César ; il s’affranchit du titre pour embraser l’être. Son chant est ivresse du présent, qui elle-même est sceau de son unicité et de son libre-arbitre...


La scénographie et les costumes, inspirés en partie de la semaine sainte espagnole et ses fascinants cérémonials, mais aussi des garnachas, ces troupes théâtrales des tous premiers tréteaux d’Espagne que furent les corrales de comedias, vont nous transporter dans un univers où le trouble et les reflets jongleront ensemble. Sans pour autant vouloir dérouter le spectateur à tout prix, mais bien plutôt pour l’emporter, l’enivrer même s’il se peut. L’espace, par quelques modules, se transformera de scène en scène, appuyé par une création-lumières qui utilisera également des vidéoprojecteurs. De multiples images vont ainsi peindre ou vêtir les différents décors qui se succèderont.


Nous ne souhaitons pas donner une reproduction fidèle d’une Espagne de la fin du XVIIe siècle. Ce qui ne signifie pas non plus qu’elle ne nous inspirera en aucun cas. Mais nous souhaitons surtout utiliser à plein l’outil théâtral – un plateau où tous les subterfuges a fortiori les plus réels, poulies, masques, cintres et paravents, convoquent le public à l’imaginaire le plus débridé. Cette oeuvre appartient aux planches, aux chants des artistes, qu’ils soient en scène ou dans la fosse, et aux artisans thaumaturges dans l’ombre qui d’une lampe font une comète. Et le public, intimement, individuellement, vient s’y lover le temps d’une représentation. C’est au théâtre, et à la magie que nous espérons de lui, que revient le pouvoir de nous déraciner du temps, et de nous prouver que cent-quatre-vingt minutes perdent parfois leur durée pour n’avoir aucun prix. Jules Massenet, par une musique bien souvent extatique et sans bavardages, est notre plus grand allié sur ce point. Quelle hâte est la nôtre d’offrir ce spectacle et cette musique !...


Le théâtre, à chaque représentation nous l’espérons, sera la boîte crânienne enfiévrée, obscure, glacée, festive ou effervescente, de cet endormi, cet assoupi, cet évanoui, cet être sous hypnose qu’est Don César de Bazan…

Damien Bigourdan

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