De mal en peor a vu le jour dans l’appartement du metteur en scène, avec un nombre restreint de spectateurs :

Avril 2004, nous nous réunissons une fois par semaine, chez moi, avec un groupe d’acteurs du studio. C’est le seul moyen que nous avons de nous voir car une des actrices habite loin de Buenos Aires. L’espace nous impose les restrictions suivantes. C’est une pièce d’habitation possédant trois portes dont une qui donne sur la galerie en verre menant au jardin. Son étroitesse ne pourrait intégrer le spectateur que comme un voyeur à l’intérieur de la maison familiale. Cette configuration nous acculerait à recourir au rythme et à la mécanique typiques du vaudeville.
Nous avons travaillé sur un découpage du passé argentin : la période historique des années 1880/1910. C’est en cette fin du 19e siècle que s’affermit le modèle économique et social, toujours en vigueur dans l’actuelle Argentine, à quelques variantes près : la conversion de la dette privée en dette publique, un système primitif qui, par accumulation, ne cesse d’accroître le lourd passif et accule le pays au bord du gouffre.
Comme toujours, pendant les répétitions, nous avons expérimenté des manières d’acter – cela procède de notre quête poétique – et nous avons retenu le ton de la parodie pour incarner le dramatique éclatement des valeurs qui structurent l’ordre social : la famille, le mariage, le travail, l’argent, la politique. C’est à partir de ce carrefour louvoyant qui interroge l’essence même du comportement argentin, que le jeu a développé ses potentiels. Ses cabrioles.

Ricardo Bartis