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Chant d'hiver

Samuel Sighicelli ( Conception ) , Tanguy Viel ( Texte )


: Note d'intention

Idée de départ


August Wilhelm Schlegel écrivait en 1800, à l'aube du Romantisme : « le processus de dépoétisation a assez duré, il est temps de poétiser à nouveau l'air, l'eau, la terre, le feu. »
Cette insurrection contre la toute puissante raison héritée du siècle précédent et ce désir de rentrer en résonance avec le Monde par la poésie, naît au moment où l'Europe se prépare à se mettre en branle pour pénétrer dans l'ère industrielle.
Cette période correspond aussi, selon de nombreux géologues, au commencement de l'Anthropocène, une nouvelle phase de l'histoire de la planète où l'homme est devenu la principale force géologique, capable non seulement de transformer l'atmosphère, mais aussi l'hydrosphère, la lithosphère et la biosphère, à un niveau jamais égalé et non sans risque pour l’avenir…
L'air, l'eau, la terre : les préoccupations, justement, d'une poignée de géophysiciens et de glaciologues qui lors d'une expédition en Antarctique en 1984 firent la découverte d'une preuve de l'irréversible réchauffement climatique causé en grande partie par l'humain.


Dans une forme scénique directe et intense, avec deux musiciennes, un comédien et un dispositif sonore et visuel, s'opèrera l'alchimie entre des lieder empruntés au cycle Winterreise (« voyage d’hiver ») de Schubert et l'aventure glaciaire d'un chercheur en Antarctique dont la découverte deviendra une des plus mauvaises nouvelles que l'humain ait eu à entendre...


Entre la vision du monde « en tant que grande âme » (Novalis) et le constat d’une transformation non maîtrisée de la biosphère par l’homme au cours des deux derniers siècles, la musique et la poésie théâtrale peuvent recoller des morceaux. Le Romantisme convoqué et revisité ici n’est pas cet épanchement mièvre des sentiments si souvent évoqué, mais plutôt pour citer Armel Guerne : « ce combat pour la plénitude. Cette bataille désespérée contre le vide désespérant qui laisse l’homme comme une viande douée de réflexes dès qu’il oublie son âme, dès qu’il quitte ses rêves…Car on ne devrait jamais l’oublier, la vie n’est pas un état mais un risque, et qui s’ouvre toujours plus. Une conquête qui n’en finit pas. Un « voyage » au sens où Schubert l’a certainement vécu – mais un voyage incertain et dur, à la mesure de ceux, et de ceux-là seuls, qui sont capables de marcher. »


Contrepoint à trois voix


En tant que compositeur, j'aborde la scène non seulement comme un espace de composition, mais aussi comme un lieu de partage de l'écoute. L'écoute n'est pas uniquement sonore, elle est surtout une disposition de l'esprit à pénétrer un univers, ou en tout cas à être embarqué par lui. La boîte noire du théâtre permet cela plus que le concert car le « faire musical » peut y gagner un nouveau sens, en s'associant à d'autre médiums, en étant porté par eux. Ma principale préoccupation est alors de « faire sonner » aussi bien les voix, les sons, les corps, les images, les textures, les textes, la lumière... c'est cette musicalité généralisée qui m'attire et à laquelle je tiens.


Ce spectacle rassemble trois principales disciplines (musique/texte/image scénique), trois voix d’un contrepoint que nous allons frictionner et/ou harmoniser en nous appliquant à donner à chacune la pertinence qu’elle requiert pour prendre tout son sens :


- Quelques lieder du Winterreise de Schubert pour voix et piano intégrés à une création musicale originale vocale/instrumentale/électronique (sons fixés et traitements en temps réel dans un dispositif de spatialisation autour du public).


- Texte (joué par le comédien) : d’une part les traductions françaises des textes des lieder, sans doute augmentés d’autres extraits empruntés à la littérature romantique allemande (plus particulièrement du « cercle d’Iéna ») ; d’autre part un texte original de Tanguy Viel jetant une passerelle entre ces premiers textes et une réappropriation de l’expédition antarctique de Claude Lorius en 1984 et de ses enjeux scientifiques liés aux climats.


- Scénographie, lumière, vidéo : un espace libre et dépouillé qui peut tour à tour nous confiner dans la chaleur d’un salon cotonneux ou nous propulser sur la banquise en pleine tempête. Une lumière qui s’appuie sur deux principales sources : un cyclorama à 180° et un « lustre » central constitué de nombreuses petites sources, dont certaines asservies. Une image vidéo, pouvant couvrir tout le cyclorama, et qui s’inscrit dans la scénographie et la lumière, expression animée en pixels blancs sur noir (processing) à partir de modèles de flux climatiques et d’autres données géophysiques ayant leurs mouvements propres.


Ces différents médiums vont s’articuler selon une écriture multiple que je considère comme une super-composition : il en résultera une partition contrastée et en mouvement, où se côtoient, s'altèrent et s'interpénètrent plusieurs langages, plusieurs plans d'une polyphonie scénique, musicale et visuelle au service d’un univers singulier et évolutif.

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