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Atteintes à sa vie

+ d'infos sur le texte de Martin Crimp traduit par Christophe Pellet
mise en scène Adrienne Winling

: Note d’intention

Une pièce/prologue
Une pièce sans rôles. Sans « distribution ».
Il n’y a pas de personnages, pas plus qu’il n’y a de fiction.
Les comédiens jouent le rôle de l’auteur qui joue à écrire une pièce.
Une pièce qui ne sera jamais jouée.
Ce qui est joué, ici, et déjoué, c’est le théâtre lui-même : le moment où ça se dessine, l’esquisse, plutôt que le tableau.
C’est un théâtre de l’absence, où le personnage central féminin n’apparaît jamais. Le jeu se dessine autour de cette absence : nous jouons à inventer Anne, tous ensemble, acteurs et spectateurs confondus.


La parole performative
Ce qui m’a attirée d’emblée vers cette pièce de Martin Crimp plutôt qu’une autre, c’est cette mise en abîme du théâtre : que reste-t-il quand l’identification à une fiction ou un personnage nous est refusée, aussi bien au spectateur qu’à l’acteur ? Il reste à réinventer la notion de représentation : ce qui se dit ne sera pas représenté. Ce qui se joue ne sera pas dit. Les acteurs jouent « à la troisième personne » en racontant Anne.
Ils n’ont plus besoin de dire « je » pour jouer: la parole devient un acte.
Un vecteur d’images et d’émotions qui touche simultanément acteur et spectateur, en faisant appel aux capacités de représentation de chacun.
La représentation n’est plus livrée, elle se cherche en temps réel.


Un théâtre de la fragmentation
Dans un monde saturé d’images et d’informations médiatiques, la représentation théâtrale se cherche, cherche une nouvelle manière d’exister : à l’encontre de l’immédiateté de l’accès aux médias, nous cherchons pour la scène un espace-temps où les choses ne se livrent jamais, où elles s’approchent en permanence.
Des messages laissés sur un répondeur, des scénaristes en « brainstorming», des journalistes zélés, des comédiens-chanteurs…
Chaque séquence propose une nouvelle aire de jeu aux comédiens pour approcher une nouvelle Anne. Et à chaque nouvelle Anne un nouveau fragment de notre monde, de sa violence et de son absurdité. Anne est tour à tour terroriste, mère de famille écolo et militante d’ extrême-droite, jeune globe-trotteuse, artiste suicidaire, ou encore actrice porno… Autant de facettes d’un monde contemporain où la violence prend des formes nouvelles, et où il est de plus en plus difficile de la percevoir sous le vernis d’une médiatisation à la fois catastrophiste et lisse.
Ce que nous cherchons avec le théâtre de Martin Crimp, c’est à déconstruire cette vision lisse, à gratter cette couche de vernis. Pour faire entendre la multiplicité des voix du monde avec celles des comédiens.
Nous travaillons à cette pièce comme à un grand jeu des possibles. De la même manière que l’identité d’Anne est sans cesse fragmentée, les comédiens prennent en charge des paroles diverses et même des langues étrangères. Mais leur présence évoque le monde qui nous entoure sans jamais chercher à en être le miroir.
De même, nous travaillons avec un vidéaste sur les thèmes de la télévision, de la publicité, du journalisme (le texte fait très souvent référence à une caméra), mais toujours dans cette idée de fragmentation, et non pour reproduire au théâtre un univers dont l’omniprésence nous sature.
Nous jouons à évoquer plus qu’à représenter.
Nous jouons à questionner plus qu’à apporter des réponses.
Et c’est un véritable jeu pour les comédiens qui se partagent, s’arrachent, parfois, une parole âpre, cinglante, oscillant sans cesse entre l’humour de la distance et l’émotion du témoignage.


Une partition musicale
La langue de Martin Crimp est un exercice de jubilation pour les comédiens :elle est incisive et précise comme une partition musicale.
TOUT EST ECRIT ! Silences, comédiens qui se coupent la parole, qui parlent parfois tous en même temps.
Reste à distribuer les répliques. Reste à s’en emparer avec le même enjeu que si c’était une parole improvisée. Retrouver le jaillissement de la parole, son urgence. C’est une parole vacillante : elle oscille sans arrêt, semblant tantôt s’inventer sur l’instant et tantôt s’assumer comme matériau préexistant, déjà écrit et déjà dit surtout : certaines répliques se chevauchent et l’interlocuteur livre la fin de la réplique de celui qu’il a coupé.
Le trouble règne, et le spectateur ne sait plus s’il assiste à une immense improvisation ou bien à la répétition d’une pièce.


Pas de coulisses
C’est ce trouble qui est au centre de notre travail sur cette pièce. Ce point d’orgue théâtral entre le présent et la répétition. C’est ce que nous jouons : un présent répété et une répétition au présent.
Nous jouons à montrer une répétition.
Un texte, cinq comédiens, un musicien, un technicien, un vidéaste, et…
pas de coulisses !

Adrienne Winling

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