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William Burroughs surpris en possession du Chant du Vieux Marin de Samuel Taylor Coleridge

+ d'infos sur le texte de Johny Brown traduit par Marie-Paule Ramo
mise en scène Dan Jemmett

: Quelques réflexions sur Coleridge

la pièce de Johny Brown et mon père

Parmi mes souvenirs d’enfance, celui de mon père récitant parfois un long poème à des amis ou à des invités reste encore fortement ancré dans ma mémoire. Je dis réciter mais en fait, il « jouait » le poème, débout, en utilisant sa voix, ses bras et son regard pour transmettre le côté dramatique de l’histoire. Dans le passé, il avait été acteur et j’imagine que c’était là sa façon de cultiver cette passion qui l’habitait toujours. À ce moment de ma vie, ma mère, qui fut également actrice, était devenue prêtre dans la communauté religieuse de Rudolf Steiner. J’ai d’abord vu mon père interpréter le poème pour des collègues de ma mère dans un centre Rudolf Steiner au nord de l’Angleterre.
Le poème en question était Le Dit du vieux marin (The rime of the ancient mariner) de Samuel Taylor Coleridge. Une histoire intrigante d’un marin qui, par hasard, tue un albatros en mer et qui, en conséquence de son acte, embarque dans un périple dramatique. Jalonné de souffrances physiques, d’hallucinations et d’introspection spirituelle, ce voyage le mène alors vers une pénible rédemption et prise de conscience de son acte, le forçant ainsi à raconter son histoire terrifiante à qui veut bien l’entendre.
Plus tard, le même jour, j’ai vu ma mère jouer The act of consecration of man pour sa congrégation. Bien qu’elle aussi utilisait sa voix, son regard et qu’elle gesticulait et portait un costume violet vif, elle n’arrivait cependant pas à égaler mon père.
J’ai rencontré Johny Brown pour la première fois alors que je travaillais à Londres sur une production d’Heiner Müller, Quartet. Plus tard, je suis allé le voir chanter dans son groupe The Band of the holy joy, et parfois nous nous soûlions ensemble dans les pubs, parlant d’écrivains, de musique et de football. Nous partagions tous les deux le désir d’adapter un jour @#À rebours d’Huysman pour le théâtre. J’ai perdu contact avec Johny après avoir déménagé en France. Plus tard, un ami commun m’envoya une copie d’une pièce que Johny avait écrite et qui fut jouée au Festival d’Edimbourg deux ans auparavant.
La pièce était intitulée William Burroughs caught in possession of the rime of the ancient mariner (William Burroughs surpris en possession du Chant du vieux marin de Samuel Taylor Coleridge). En la lisant, j’en ai eu le souffle coupé. La pièce de Johny est aussi mystérieuse que le poème de Coleridge et raconte l’histoire de l’écrivain américain William Burroughs. Il quitte les quais de New York à bord d’un bateau imaginaire en compagnie de l’artiste Jean-Michel Basquiat, du guitariste punk Johny Thunders du groupe The New York Dolls, de l’écrivaine féministe Kathy Acker et du vieux Sam Coleridge en personne, fait prisonnier et ligoté au mât de son propre poème. Dans la vie réelle, Burroughs, soûl, tua sa femme en tentant de tirer à coup de revolver sur un verre de whisky placé sur sa tête, lors d’une fête. Le voici maintenant, tel le marin qui tua l’albatros, et avec le poème en guise d’inspiration et de guide, dirigeant son étrange équipage pour un voyage fantastique les emmenant vers les contrées exploratrices de leur propre création perverse et au-delà…
Je n’essayerai pas de décrire cette pièce, d’une part parce que je ne crois pas pouvoir le faire, et d’autre part, surtout, parce que je ne crois pas que je le devrais. Et parce que, de toute évidence, je ne suis pas vraiment sûr de savoir de quoi il s’agit. Mais, je veux vous dire qu’elle m’a frappé tel un train en pleine figure, un coup de pied au cul, une course-poursuite à tombeau ouvert sur la route endiablée de la poésie décadente. Comme un Sam Shepard de la première heure fraîchement relooké.


Dan Jemmett
Septembre 2004

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