Kol, Keer et Luca, trois clochards se débattent dans leur système sans cohérence proche
du chaos. Under, c’est entrer dans ce milieu des « presque » absents où ces hommes ne
sont plus que des ombres d’êtres vivants. C’est la tragi-comédie de l’humain
improductif et inutile qui devient uniquement porteur de son propre poids de viande et
qui cependant s’épuise à se trouver une raison d’agir encore dans ce monde qui lui a
définitivement échappé. Sans apitoiement, Jean-François Noville veut nous faire porter
un regard fraternel sur l’inhumain tel qu’il est fabriqué et géré par notre propre société.

Lars Norén, dramaturge suédois creusant au coeur des angoisses existentielles pour en
chercher les modes de fonctionnement, livre ici une pièce forte, poignante et
intransigeante porteuse d’une langue déroutante, âpre et cocasse. Cette parole
déconstruite, dérisoire, relayée par ces trois naufragés de la vie demeure l’ultime
preuve qu’ils sont encore en vie, qu’ils ont encore une volonté d’exister quelque part,
mais ce quelque part n’est définitivement plus notre monde. Dans une mise en scène à
la fois cruelle, burlesque et tendre, Jean-François Noville nous offre une partition
désarticulée pour des personnages écorchés, choquants et obscènes évoluant dans un
espace d’exhibition glacial et stérile.

Et si nous les regardions en face ?