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Tout ce que je dis est faux... Joie !

+ d'infos sur le texte de Magalie Dupuis
mise en scène Magalie Dupuis

: Note d’intention

Le point de départ de l’écriture de la pièce - Tout ce que je dis est faux…Joie ! - est d’abord et avant tout une rencontre. Plusieurs en réalité.


Le processus a démarré en Août 2013, après avoir proposé à une bande d’amis et acteurs, un ‘laboratoire’ autour des thèmes de la volonté et de l’impuissance, suite à mes lectures de Nietzsche.


Nous sommes donc partis à la campagne, nous avons fabriqués une table avec des parpaings, et nous avons improvisé. Nous avons fabriqué l’endroit provisoire de notre utopie, dans une maison en ruine sous un tilleul, avec les vaches comme spectatrices.
Puis vient le moment de se quitter. On regarde notre maison éphémère et ça nous fait penser à Tchekhov et sa Cerisaie.


La Cerisaie est la dernière pièce écrite par Tchekhov en 1904 juste avant sa mort. C’est une pièce testamentaire et étonnante du fait que Tchekhov au seuil de sa mort, décide de terminer sa pièce le regard résolument tourné vers l’avenir. Il regarde le passé mais sans aucune nostalgie.
Plus qu’une pièce sur le temps qui passe, il explore dans la Cerisaie la question complexe des affects et des pulsions contradictoires à travers la ‘tragédie quotidienne’ de ces personnages, au-delà des stéréotypes. C’est sans doute pourquoi les questions qu’il pose nous regardent encore aujourd’hui. Tchekhov écrit sur la perte, la perte de l’enfance, du territoire, du patrimoine, des idéaux, de la métaphysique, de l’amour aussi, au-delà de tout sentimentalisme désespéré ou désespérant.


Quelques mois plus tard, je continue d’écrire à partir de notre premier ‘labo’, et je lis dans un journal local du nord de la France, l’histoire d’un Monsieur qui éveille ma curiosité et que je décide de rencontrer :


C’est l’histoire de Monsieur Salah Oudjan qui depuis des années, se bat seul contre l’établissement public foncier pour garder son bar, situé dans un ancien quartier populaire de Roubaix, aujourd’hui en démolition et qui fait l’objet d’un vaste plan de réaménagement urbain. Entre pelleteuses et bulldozers, son bar se dresse comme un phare au milieu d’un no man’s land. Salah résiste et refuse de vendre, il dit qu’il a tout vécu ici et ‘ qu’il n’y a aucune raison d’aller ailleurs quand chez nous c’est meilleur, que seule la mort le fera partir.’ Une banderole trône sur la devanture de la maison avec écrit dessus : TOUJOURS OUVERT !


C’est donc à partir de toutes ces matières – Tchekhov, Nietzsche, l’histoire de Mr Salah et les improvisations des acteurs - que j’ai écrit Tout ce que je dis est faux… Joie !


Je n’ai pas choisit d’adapter La Cerisaie, seulement de m’en inspirer. Il n’y aura ni samovar, ni Lioubov, ni Ania, Varia, Trofimov ou autre…Et pourtant comme des fantômes - ou des descendants lointains - les personnages de Tchekhov rôderont un peu partout… D’un côté il y a Pauline, qui refuse la perte de l’hôtel de leur enfance, et qui cherche simplement à défendre son passé qu’elle considère comme le fondement de son identité, de son existence, de son monde, et qui en dessine le sens et les limites - son refus n’est pas une pensée politique.


Et de l’autre il y a Marion, qui pour oublier ou s’apaiser de la froide réalité s’est fabriquée son monde du spectacle fait de fuite, d’amour, de restaurants, de divertissements et d’argent jeté par les fenêtres.
Elles sont à la fois les metteuses en scène de cette déchéance annoncée et les spectatrices passives et bouleversées de leur histoire.


A travers les cinq personnages de la pièce, je cherche à questionner la manière dont les êtres incarnent et éprouvent certaines des contradictions du monde libéral. Entre le refus et l’incompréhension de la loi du marché, de la marchandisation du patrimoine collectif et familial, et la démesure de l’hyperconsommation.


Comme dans toute fête, l’alcool et la musique sont des moteurs importants, prétexte à délier les langues et agiter les corps.


Effet de contamination / Comme un caillou jeté dans l’eau dont l’écho se percute sur d’autres berges, un mot peut tout faire exploser et provoquer le jaillissement de la parole de l’autre.


La pièce Tout ce que je dis est faux… Joie ! est une alternance de numéros ratés, tour de danse, monologues, scènes dialoguées ou chorales, où tous les personnages se retrouvent tour à tour, confrontés à l’urgence de vivre, sur-vivre, et puis surtout de dire ( chacun à leur manière), la difficulté et la jouissance d’être soi, seul et ensemble.

Magalie Dupuis

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