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The Line is a Curve

Kae Tempest ( Texte )


: Entretien avec Kae Tempest

Propos recueillis par Moïra Dalant

Qu’allez-vous présenter sur la scène de la Cour d’honneur ?


Kae Tempest : Je dirais un récital plus qu’un spectacle. C’est un projet musical relativement conceptuel. Comme pour la plupart de mes oeuvres, l’ensemble proposé est un projet à part entière. Je prends à la fois appui sur mon dernier album The Line is a Curve, sorti en avril et qui fait l’objet d’une tournée, et sur le lieu unique de la Cour d’honneur. J’ai bien en tête le contexte du Festival d’Avignon, ce festival de théâtre où le texte et les auteurs ont une place très importante. J’ouvre donc le récital par une lecture de textes écrits auparavant, certains poèmes de Hold your own notamment – Étreins-moi en français – ou encore des extraits du précédent album The Book of Traps and Lessons. La performance ajoute aux nouveaux textes et au jeu musical un récit plus élargi ; d’une certaine manière, elle apporte un sens neuf au travail en mettant en résonance des écrits plus anciens avec ce nouvel album. La portée des textes grandit ou se modifie une fois ceux-ci associés les uns aux autres. Mettre bout à bout ces différentes histoires donne un mouvement inhérent à chaque extrait choisi.


Vous soulignez l’importance de l’écriture. Pensez-vous de la même façon vos poèmes et vos textes musicaux ?


En ce qui concerne The Line is a Curve, l’écriture des paroles et de la musique s’est faite en simultané, leurs identités et existences sont entièrement mêlées. Pour moi, la musique est comme une scénographie qui accompagne, elle est une caméra qui vient apporter un point de vue sur le texte, qui aide à construire le récit et dialogue avec les paroles. La partition musicale ajoute une possibilité sensorielle, une ouverture sur les émotions du public qui en reçoit le texte. Performer les textes sans accompagnement musical, dans l’idée d’une lecture dans le style spoken word ou slam disons, est un projet assez différent. Le poème est alors l’objet principal, voire unique, de la performance. Puisque nous avons la possibilité de créer une forme sans contrainte de durée, j’ai choisi, pour la Cour d’honneur, de naviguer d’une forme à l’autre, de glisser doucement du texte énoncé vers le concert. J’aime l’idée de jouer cet album dans un contexte théâtral parce qu’ainsi le projet peut prendre une autre dimension, tout particulièrement entre les murs de ce Palais des papes qui peuvent provoquer une résonance inattendue. Cela me plaît notamment parce que je travaille « across the form », à travers les disciplines et d’une forme artistique à une autre. Questionner les conflits qui peuvent émerger entre les intentions de l’artiste (ou d’une oeuvre) et les attentes des spectateurs et d’un lieu est une tension, pleine de créations, qui m’anime particulièrement. Les différents contextes où je présente mon travail me permettent à chaque fois de remettre les propositions en jeu, d’interroger ce qui est attendu (concert, lecture, pièce de théâtre) et de rendre palpable les réceptions et énergies variées. C’est très enthousiasmant dans mon travail.


À vos côtés, le public découvrira Hinako Omori, artiste multi-instrumentiste.


Oui, je ne souhaite pas travailler de manière solitaire. Hinako Omori joue la musique en live. Ensemble, nous entreprenons un périple pour donner vie à une histoire, le processus est intense et requiert une concentration profonde, nous nous soutenons dans ce voyage poétique. Le trajet est répété en amont et nous connaissons toutes les étapes du concert mais nous demeurons souples, disponibles pour être toujours à l’écoute de l’autre et du récit qui avance peu à peu.


Pouvez-vous revenir sur cette disponibilité, cet état de conscience que nous pourrions relier au motif principal de votre album : la notion de cycle ?


À l’instar de mon précédent album, The Line is a Curve raconte un voyage d’un état émotionnel à un autre. C’est le récit d’une personne qui subit une pression et se trouve affectée à la fois par sa ville, les différentes relations qu’elle y entretient, certains modes de vie et qui, parce qu’elle parvient à conscientiser les pressions subies, peut exprimer ses besoins et modifier son état émotionnel. La beauté se trouve dans la réalisation. Plus il y a de pressions, plus il existe de place pour trouver sa liberté. Le récit se termine sur l’acceptation de la nature cyclique de nos comportements et de nos emprises émotionnelles. L’objectif ou l’idéal serait de trouver la paix dans l’appréhension du monde. L’album est cyclique, il finit comme il commence et vice-versa. L’intensité de ces répétitions, l’infini retour de la nuit et du jour, peuvent créer des motifs angoissants et douloureux, mais le fait d’en prendre conscience permet de terminer sur une note d’espoir. Évidemment il faut toujours recommencer à un moment ou à un autre…


  • Propos recueillis par Moïra Dalant
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