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Tapage dans la prison d'une reine obscure

mise en scène Didier Perrier

: Pourquoi…

On me demande souvent de dire pourquoi j’écris une pièce.


Le mot « pourquoi » me gêne et me déstabilise.


D’autant que, dans le travail et la complicité qui nous unissent depuis si longtemps maintenant, Didier et moi, c’est toujours lui qui un jour débarque et me lance deux trois borborygmes du genre : « Tu veux écrire pour moi ? » C’est pour un (deux, trois…) comédiens. Il me les nomme et repart.
L’écriture chez moi est si profondément enfouie, si inquiétante et troublante aussi, qu’il me faut ce que lui appelle « incitation » pour m’installer dans ma bulle de solitude et me dire « je vais écrire » (en tremblant).


Cette fois-ci, il a ajouté, presque négligemment, « il faudrait que ce soit sur les relations mère-fille ».


Je n’ai posé aucune question.


Moi-même fille unique, moi-même mère de trois filles, j’ai ressenti un spasme d’angoisse à l’idée de basculer dans un genre auquel je suis maladivement intolérante : l’autobiographie, que j’assimile souvent, (à tort, si l’on veut), à du narcissisme déguisé en art.


Je me suis enfermée dans mes histoires naissantes et, comme souvent, je me suis dit qu’il faudrait aller chercher très loin dans les tréfonds de l’âme, pour mettre à jour les vérités. Leçon héritée de mes maîtres, les Grecs, qui jamais ne cessent de me hanter.
J’ai créé Lola, la mère dévoreuse, Reine, l’enfant parfaite qui jamais ne dit mot et trouve un écho à ses silences dans les écoutes de Jean, le sage petit garçon du troisième étage.
J’ai vite compris que Jean ne pouvait se faire une place dans cet univers de femmes, et j’ai transformé la distribution proposée par Didier : j’ai alors inventé l’Adolescente, cette morte non-née, comme je les aime tant, comme je les crains tant, parce que je sens à tout instant le poids de nos fantômes faire irruption dans nos vies, les malmener, les triturer. Si nous n’y faisons garde, ils dévoreront le moindre de nos instants de paix…


Alors – pourquoi ?
Pour le bonheur et la souffrance d’écrire, cette obligation masochiste qui s’impose simplement parce que je ne peux pas faire autrement –
Pour continuer le chemin avec Didier, qui est un chemin d’humanité – et je n’en trouve plus guère
Pour que les filles se libèrent de leurs mères –
Et les mères de leurs filles –
Tout amour a en lui, si l’on n’y fait garde, sa dose perfide de destruction -

Mariane Oestreicher-Jourdain

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