Ce texte ressasse, cogne, agace ce que chacun de nous ressentons face aux barbaries que les guerres font naître. Nous sommes tous frères, la grande bande des frères humains... est-ce à dire donc, que nous serions tous, peut-être, capables de ces choses terribles ? Face à cette question qui nous taraude, la fureur et le cri, plutôt que la peur et le silence. Se rassembler et dire l’horreur et la bannir, la maudire, lui jeter le sort de notre foi commune en l’homme. Jeter sa prière violente plutôt que se taire.
Et communier. Faire cela ensemble.

C’est cette évidence de la communion qui m’a amenée au rapport tri frontal. Ce texte est vain si le partage n’existe pas. C’est pourquoi j’ai évidemment travaillé sur un rapport de proximité très fort. Et sur une absence volontaire d’effets spectaculaires de lumière et d’espace. Ici nul artifice mais la voix parlée et chantée et la musique dans un espace central, comme lieu de rencontre. Entre le théâtre et ses spectateurs. Entre les spectateurs eux-mêmes : ne pas être simplement témoin muet, mais se réunir pour dire ensemble, se rendre compte de notre nombre, de notre force, de notre responsabilité. Face aux armes, si « des millions de choses humaines et nues » se levaient, ensemble, alors ils vaincraient. Et pourtant nous ne le faisons pas.
Le violon est un instrument proche de la voix humaine. Mais son langage n’est pas le même. Là où la voix se casse, le violon exulte, là où la voix rit, le violon pleure, là où les mots engendrent des images, le violon ferme les yeux, là où la parole ne veut pas aller, le violon ouvre les portes...
Comment transcender la parole humaine, pour atteindre à l’universel ? Le violon est une tour de Babel entre le texte, l’émotion impossible qu’il génère et le monde. Celui des hommes, et celui de l’univers. Celui des vivants et celui des morts.