: Note d’intention
Par Jean Bechetoille
Rest and Watch invente la vie de nos enfants
entre 2020 et 2055. Dans dix-huit ans, la crise
sanitaire que nous traversons ne sera plus
qu’une anecdote à l’échelle de l’histoire de l’humanité ou plutôt, n’aura été qu’un des nombreux symptômes d’une crise plus profonde.
Je ne tente pas de dresser un portrait pertinent
du monde qui nous attend – mon écriture ne
repose sur aucune observation rigoureusement
scientifique –, mais le thème de la communauté
isolée dans un monde apocalyptique me permet de questionner la place de l’individu au
sein du groupe et d’observer les comportements humains dans un espace-temps étrangement modifié. En assumant pleinement la
subjectivité des projections, j’interroge le sens
de la vie sans possibilités de projection, la place
qu’occupe la mort dans le monde moderne, les
liens de filiation et le déterminisme, le refus de
la société néolibérale, la sexualité sans l’autre,
le rôle de la création dans un monde à bout de
souffle et le théâtre sans public.
L’histoire... Deux semaines après la naissance
des enfants, Serge et Aliocha, Guillaume, le père
de Serge, meurt mystérieusement écrasé sur la
rocade. Jacinthe et son fils Serge se réfugient
chez Hélène et Jean, parents d’Aliocha. Ensemble, ils refusent de poursuivre toute activité
et vivent reclus en Bourgogne dans un monde à
bout de souffle. En 2039, la sécheresse a remodelé la face du globe, les humains fuient les
villes, beaucoup sont morts . L’humanité est sur
le déclin et la nature s’en réjouit. Quelques espèces se sont étrangement adaptées, comme
les faisans, les noyers et les hérissons qui se
multiplient au fur et à mesure de la pièce.
Dans notre spectacle précédent – sorte de cérémonie prénatale –, nous avions imaginé que
Serge et Aliocha inventeraient un système de
penser appelé Rest and Watch. Dans le monde
que je décris ici, nous l’aurions mis en pratique
à leur insu. Nous sommes passifs, paisibles et
perdus. Nous contemplons la fin de l’humanité.
Trop bien intentionnés, nous conditionnons nos
enfants à ne rien faire et à ne pas se projeter en
dépit des désirs qui les traversent: ils ont 18 ans
et passent leur journée à inventer des spectacles et à rêver de femmes...
Finalement, si ne rien faire n’est certainement
pas la solution idéale pour panser les blessures
de notre monde et le réinventer, si la vie en
communauté montre rapidement ses limites,
Rest and Watch est une invitation lancée aux
spectateurs le temps du spectacle : « Reposez-
vous et regardez. » Comme si le théâtre pouvait
encore proposer une brève alternative à notre
manière de vivre.
- Jean Bechetoille
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