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Quartett

mise en scène Hans Peter Cloos

: La nouvelle liberté érotique

Dans sa quête de bonheur, la femme du XXIème siècle s’est forgé ses propres paramètres : la sexualité émancipée, pour elle, cela signifie d’abord la liberté de choix concernant sa propre vie, et la tolérance d’approches différentes de l’amour, de la fidélité et de la sexualité. Elle affronte avec courage et fantaisie ses nouveaux besoins et le partenaire qu’elle s’est choisie – en amoureuse expérimentée, en femme objet du désir de deux hommes, ou en amante curieuse attentive.
Toutes les grandes cultures d’Europe et d’Asie ont vénéré la femme « en pleine maturité » et rendu hommage à sa science de la vie et de l’amour. Elle a été adulée, elle a été admirée – et surtout, elle a été désirée. Elle pouvait vivre pleinement sa sensualité, et faire son choix parmi les hommes et les jeunes gens les plus beaux et les plus intéressants.
« Elle s’épanouissait comme une rose qui s’ouvre et dégage un parfum enivrant », rapporte Ninon de Lenclos, célèbre pour sa culture et sa beauté, et qui, à soixante ans passés, faisait sans peine son choix parmi les plus beaux jeunes gens du Paris du XVIIème siècle. Et Lady Mary Wortley-Montagu, auteur de fameux récits de voyages, écrivait depuis Vienne en 1716, à son amie restée en Angleterre : « Je vois ici chaque jour de beaux jeunes gens aider leurs maîtresses plus âgées à grimper dans leur calèche. Dans cette grande capitale, une femme de moins de 35 ans est considérée comme un poussin à peine éclos. Ce n’est que passé l’âge de 40 ans qu’il lui est permis d’espérer faire durablement impression. »
Les femmes d’aujourd’hui de 40 ou 50 ans qui se prennent un amant et compagnon plus jeune, perpétuent la tradition de ces femmes objets de l’adulation générale, des femmes comme Lollobrigida ou la légendaire Édith Piaf, qui, en épousant un homme de plus de 40 ans son cadet, se jouait de tous les tabous et allait jusqu’à déclarer qu’elle « commençait seulement à goûter pleinement son plaisir. »


Mais entre l’heureuse Ninon de Lenclos et les heureuses femmes d’aujourd’hui, il y eut plus de deux siècles de luttes, d’humiliations, et d’oppression. Le charme, l’esprit, l’expérience, la sexualité et le rayonnement érotique n’étaient ni souhaités ni même seulement admis. La misogynie et la méfiance envers les femmes mûres et émancipées, qui se développèrent en Angleterre et en France et que ces pays « exportèrent » vers l’Amérique, revint en Europe, depuis les USA, comme par un effet boomerang – quasiment dans les bagages des Américains après la seconde guerre mondiale. Le culte de la jeunesse et l’exaltation du « California life style » firent le reste : des millions de femmes qui n’avaient plus 17 ans furent prises de panique et se mirent à douter de leurs capacités de séduction – et d’abord sur le plan sexuel.
(…)
Aujourd’hui, de Claudia Cardinale à Jeanne Moreau, les femmes assument leur corps avec toutes ses imperfections, mais aussi avec tout son savoir et tout son vécu.
La psychologie apaisée de la femme mûre, la femme d’expérience, trouve aussi dans les découvertes scientifiques modernes un sujet supplémentaire d’excitation. Le bonheur érotique en effet ne procure pas que plaisir et relaxation : « avoir quelqu’un dans la peau », cela se comprend aussi au sens littéral. Et en même temps, la jouissance sexuelle ne fait pas que faciliter la circulation sanguine, elle fait aussi « partir au septième ciel » ! Tout cela rend la femme d’expérience d’autant plus exigeante ! Au point que bien souvent, un compagnon du même âge ou plus âgé ne parvient plus à satisfaire ses exigences.


Les femmes deviennent plus fortes d’année en année.
(…)
Les femmes n’attendent pas d’un prince charmant qu’il soit un Apollon, avec profil grec et silhouette de rêve. Pas du tout. Mais il doit savoir combler tous leurs désirs et tous leurs sens, à tout moment et en tout lieu. Il doit être gibier et chasseur à la fois, viril jusqu’à la provocation. Et en même temps : tendre, sensible, doux, prévenant, et aussi peu « animal» que possible.
On regrettera simplement que ce mélange électrisant de force, d’intelligence, de sentiment, de sauvagerie et de sensibilité n’existe que dans les rêveries et sur les écrans de cinéma. La femme « nouvelle », émancipée, n’en a pas moins trouvé des chemins originaux pour parvenir à un maximum de bonheur, sans pour autant remettre en cause sa féminité retrouvée : elle s’accorde le droit de partager sa vie et son amour entre deux hommes, elle recherche dans l’un, en pleine conscience de ce qu’elle fait, le complément de l’autre.


Néanmoins, le « pur amour à trois » tel que le mit en scène François Truffaut dans les années soixante, dans « Jules et Jim » avec Jeanne Moreau, requiert des femmes une solidité et un tact à toute épreuve, afin de gérer au mieux la crispation des hommes sur des privilèges dépassés, leur jalousie et leur désir. « La femme, avec son tact inné, doit être capable de discerner si elle doit ou non faire connaître à chacun de ses deux partenaires l’existence de l’autre (…), et si oui, quel est le moment le plus propice. Car l’homme n’en est pas (encore) arrivé à une conscience telle qu’il puisse être confronté à pareille situation sans ménagements ni sensibilité. »
Le « ménage à trois » exige enfin un maximum d’anti-conformisme, de tolérance et d’égalité d’humeur. Autrement, le jeu à trois devient une guerre psychologique, où les armes s’appellent : méfiance, humiliation et mensonge.
« Toute femme qui a d’abord le courage, puis la volonté, de s’évader de la prison que lui assigne la tradition, est en mesure d’offrir à l’homme un bien extraordinairement précieux : la clé qui lui ouvrira la porte de sa propre cellule. »
Qui mieux que l’homme, d’ailleurs, que les années ont rendu plus tolérant, plus généreux et souverain, pourrait offrir à une jeune femme les sentiments auxquels elle aspire, de sécurité, de chaleur, de proximité, de tendresse – et un érotisme subtil ? Le besoin de sécurité, de tendresse, de compréhension, et l’envie d’être initiée à l’amour par un partenaire plus âgé, qui apporte à la fois sentiment et expérience, figurent en tête de tous les sondages effectués ces dernières années auprès des femmes de 18 à 30 ans.
Dans la nouvelle sensualité des jeunes femmes, la séduction intelligente, raffinée, et le plaisir à se laisser conquérir, sont à nouveau centraux. Seuls les cyniques dénigrent encore le rituel masculin de conquête, et parlent de « phallocratie » ou de « machisme ».
La qualité, plus que la quantité, voilà ce que les jeunes femmes attendent de leur compagnon plus âgé, qui est en même temps leur amant, leur confident et leur meilleur ami.
La faculté de jouissance, le don de soi sans mélange, exercent une incroyable fascination sur l’homme mûr, expérimenté, le fidélisent et l’attachent. Non seulement aux plaisirs des sens, mais sentimentalement. « La conquête amoureuse, ma femme adore ! Et comme elle n’est pas agressive et ne joue pas les allumeuses dédaigneuses, elle me donne le sentiment que je suis fort, elle me donne aussi le courage d’accepter mes sentiments, de montrer ma fragilité. Voilà ce qu’elle m’a appris. »


Christine Unsel-Baumanns
Traduction : Patrick Démerin

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