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Pièce de cœur

mise en scène Noemi Lapzeson

: Entretien avec Noemi Lapzeson

Votre travail prend souvent comme point de départ une oeuvre littéraire. En quoi l’écrit, la littérature est-elle un déclencheur du mouvement  ?


Je lis énormément. Les mots me permettent d’accéder à une autre dimension, ils donnent un sens. Et puis je n’ai pas vécu qu’avec la danse. J’ai grandi avec la musique, avec la littérature et toutes ces formes de langage sont pour moi intrinsèquement liés. Certes, le corps a une intelligence et une cohérence en soi mais le verbe, tout comme le son, sont pour moi des déclencheurs, des matériaux qui me permettent de me replonger dans mes souvenirs, dans ma mémoire d’enfance et qui nourrissent mon travail chorégraphique.


Originellement, la danse a toujours été liée à la musique, moins que la parole, bien entendu mais pour moi cette parole est aussi une musique. Dans un de mes spectacles inspiré des textes de Stig Dagerman  : Notre besoin de consolation est impossible à rassasier, j’ai lu et enregistré le texte qui me servait de support à la danse. Et c’est à travers cette collaboration entre musique, parole, mouvement, lumière que je tente de trouver un sens.


Quelle est votre écriture chorégraphique  ? Quelles sont vos étapes de travail  ?


Je vous l’ai dit, la quête du sens est un élément essentiel de mon travail. Je tente de chercher une conscience à ce que je fais. Chaque mouvement reflète une conscience de l’être. Je ne veux pas montrer, je veux juste chercher. C’est de cette manière que je travaille avec mes danseurs. Je n’impose aucune manière de faire, je jette quelques idées sur la table et ce sont les danseurs eux-mêmes qui trouvent leur propre langage. Je donne énormément d’importance au fait de connaître les gens avec qui je travaille. Je ne fais jamais d’audition. Il y a une longueur d’onde commune entre les danseurs et moi, c’est un enrichissement collectif qui guide le travail.


Quel est votre rapport à Heiner Müller  ? quelle est votre interprétation de son poème Pièce de coeur  ?


Le choix de ce texte de Müller vient d’une proposition de Michèle et Maya. C’était un texte que je connaissais et qui me plaisait beaucoup. C’est un poème sombre et qui n’est pas nécessairement explicable. En ce qui me concerne, je pense que l’on peut lire ce poème de manière politique, poétique et surréaliste.


Politique par le contexte dans lequel il a été écrit. J’admire la ténacité de Müller qui a choisi de continuer à vivre à l’Est en refusant de vivre dans une société consommatrice pour garder intacts ses idéaux communistes. Son histoire est dernière ma nuque.


Et puis il y évidemment l’aspect poétique. Un poème est une magnifique source d’inspiration par la grande liberté d’interprétation qu’il dégage. Il n’est pas question d’imiter le poème mais par contre, nous avons travaillé sur chaque ligne du poème en cherchant un sens.


Et pourquoi surréaliste  ? C’est une image qui m’est venue de façon très claire. Müller était aussi lié à ce mouvement surréaliste. J’ai pensé à Max Ernst en lisant le poème  ; J’utiliserai d’ailleurs les têtes d’oiseaux de Max Ernst dans ma scénographie.


Au-delà de ces trois lectures, je pense que chacun lit la littérature avec son propre background. Je ne viens pas d’une éducation germanique, je pense que, malgré toute la lecture et toute la connaissance que l’on peut avoir du texte, je sens qu’il y a toujours un moment où je vais rester en dehors. L’enfance est l’empreinte définitive pour la vie. La manière de parler est liée à une façon d’être, à un apprentissage de références, de point de vue. C’est donc avec mon regard personnel que j’approcherai ce Pièce de coeur de Müller.


Vous travaillez avec des acteurs, des danseurs, des musiciens. Comment imaginez-vous la rencontre du corps, de la musique et de la voix dans votre travail  ? Est-ce que chacun est soumis à l’expérimentation de la discipline de l’autre  ?


Dans Pièce de coeur, un des acteurs a pris des cours pendant très longtemps avec moi. Avant de savoir ce que j’allais faire avec lui, je pensais qu’il serait intéressant de mélanger le mouvement d’un acteur avec celui d’un danseur. Que faire avec la parole puisque l’acteur est là  ? Il faut que l’acteur soit acteur danseur sans oublier l’importance de la parole. Les danseuses parlent quant à elles avec leur corps. Elles parlent, non pas comme des acteurs qui livrent un texte, mais utilisent leur voix comme un murmure, une scansion.


Parlez-nous un peu de votre espace scénographique. Quel est votre rapport à la scénographie de Mark Lammert  ? comment allez-vous l’utiliser dans votre travail  ?


L’espace est petit  ! et je le rends encore plus petit en mettant des chaises au milieu  ! Je suis contente d’avoir cette contrainte. Je pense que bénéficier de trop de liberté est plus difficile que d’avoir un cadre ou une limitation. J’ai deux contraintes  : le mur et la couleur  : le jaune. Ces éléments constituent pour un moi une véritable nourriture.

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