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Passé-je ne sais où, qui revient

+ d'infos sur le texte de  Lazare
mise en scène Lazare

: De l'écriture au plateau

J’essaye de faire que le texte soit un être organique en mouvement dans l’espace appelé théâtre.


Le projet se tisse autour d’une mère ; sa vie est à la fois simple et extraordinaire. Des questions lui sont posées et ses réponses restituent, par indices, les traces d’une tragédie. Ses réponses se mêlent à l’écriture de la pièce et en renversent d’autres, plus anciennes.


Le 8 mai 1945, deux faits mineurs survenus à Sétif et à Guelma déclenchent le plus grand massacre de l’histoire de France contemporaine, en temps de paix : au moins 20 000 et probablement 30 000 algériens sont tués par des Européens.


Cette tragédie sous-tend le texte et le contamine peu à peu.
Je marche dans la mémoire de cette femme, je scrute ses tressaillements, elle évoque des faits réels.
Tout cela a existé et existe encore hors du théâtre.
Je trouve la grande histoire terrorisante, je rentre dans l’intimité, je crie dans l’intimité ; Guelma est une ville qui a étoilé mon imaginaire dans une langue faite de bruissements et d’invention d’histoire, elle m’interroge sur la peur, les angoisses de l’homme quand il n’est plus maître de lui.
Je reprends ce sujet et je le déplace dans des contextes différents.
Pour cela, j’invente un personnage : Libellule. Il est à moitié endormi, il s’enfonce dans la profondeur de la mémoire sous la conduite d’un initiateur qui est Le Phénix. Guidé par la voix de sa mère, il avance, interprète des évènements, fabule dans l’espace de jeu qui est le théâtre. Il enquête, photographie des évènements : l’incendie d’une cabane en 1945, des hommes marchant en rang deux par deux, un monstre dans la cave d’un immeuble, un prisonnier affamé qui finit par manger un mur, un homme sortant d’une mallette des bijoux fantaisies dans une salle d’interrogatoire…. Les photos ne montrent jamais ce qu’il a cru voir, les figures se dérobent, mais les faits sont là.


La mémoire se transforme en espace et en situation de jeu. Sous l’effet d’une émotion comme la peur, la mémoire frémit ; peau de tambour élastique, elle rythme l’affect jusqu’à l’arracher du temporel.
La peur de descendre dans la cave et d’être emmené de force par le monstre, et devoir sauver sa sœur.
La peur d’être poussé sur la scène par le metteur en scène, et devoir faire vivre un rôle.
La peur d’être emmené de force par des militants à une manifestation qui tourne mal, et devoir lutter pour l’indépendance.
La peur d’être capturé dans une chambre par un militaire pour faire une chose atroce, et devoir obéir à une autorité.
La peur que les mots des fantômes entrent dans ma chambre et demandent justice pour les meurtres commis.
La peur de dénoncer, et devoir se taire.
La mémoire renverse la chronologie du temps, fait vaciller des mondes. L’ordre des années et des mondes se tient en cercle autour d’elle, la réalité se transforme en rêve avec ses motifs obsédants et les identités se déforment.


La voix qui baigne Libellule dans le songe devient peu à peu celle de sa mère.
Le personnage d’une illétrée, d’une scénariste séductrice, d’une femme de ménage, d’une enfant et d’une vieille dame, toutes ces identités s’échelonnent le long du tissu dramatique et ne sont rassemblées sous le nom de mère qu’à la dernière minute.
Le temps s’est effondré, nous sommes passé de l’autre côté, le grand-père mort sera toujours plus jeune que le fils.
Les légendes n’ont pas de dates puisqu’elles demeurent.
Ahmed : je porte le même nom que mon grand père le continue. Toi, c’est nous, et je vis tout en toi.
Libellule retrace le parcours de Harket Ahmed, il essaie d’arracher des mains de la mort les derniers mots d’Ahmed pour sa fille.
La mère dit les êtres qu’elle a aimés, elle témoigne qu’ils n’ont pas vécu pour rien. De cette nécessité, l’écriture s’invente et décide de lutter contre la mort.

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