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Noces de sang

mise en scène Guillaume Cantillon

: Note de traduction

Traduire pour le théâtre représente plus que le simple exercice de passage d’une langue à une autre, il faut pouvoir passer d’une oralité littéraire à une autre.
Mais la langue est vivante et évolutive.
La traduction de Bodas de Sangre, qui fait autorité depuis sa parution, date de 1933 (par Marcelle Auclair et Jean Prévost).
Près d’un siècle plus tard, la langue a changé.
Et pas seulement la langue ; les autres composantes du théâtre ont également changé. Je veux parler du public et de la mise en scène.


L’esthétique théâtrale d’aujourd’hui n’a plus rien à voir avec celle de l’époque de Lorca ou de Auclair et Prévost, et le spectateur n’attend pas qu’on lui resserve des mises en scènes tracées par nos ainés.
C’est pourquoi il nous est apparu nécessaire de revenir sur ce texte, sans le détourner ni sacrifer son style ou son sens, pour que sa puissance, son lyrisme, son symbolisme puissent être redécouvert par le public.


La création aura lieu en 2014, il nous paraît essentiel que le texte corresponde à son époque. Mon intention est de tenter de le raviver, de l’extraire de sa condition de pièce culte immuable, que l’on contemplerait comme une pièce de musée, symbole d’une époque ; pour qu’elle reprenne son sens, pour que le public s’étonne à nouveau de ce qui s’y dit, de ce qui s’y trame.


Prenons le titre comme exemple : Bodas de Sangre.
Sans nous poser aucune question nous le traduisons communément par Noces de Sang.
Un titre qui paraît intouchable.
Pourtant « bodas » peut aussi bien être traduit par « mariage ».
La pièce s’appellerait alors Mariage de sang. On perdrait peut-être le référent contenu dans noces, qui nous rappelle les noces d’argent, ou noces d’or : la perspective temporelle de l’union entre deux personnes. Mais on gagnerait une notion moins institutionnelle, moins fgée, quelque chose de plus charnel dans l’évocation de cette union.


L’écriture de Lorca est une écriture physique, non pas intellectuelle ; ses images sont concrètes.
Ainsi l’utilisation du mot « mariage » dans le titre est tout à fait justifable.
On pourrait même aller jusqu’à respecter le pluriel de « bodas » et intituler la pièce Mariages de sang : on prendrait en compte au moins deux mariages de l’intrigue – d’ailleurs : Lorca se réfèret-il au mariage arrangé, légal et religieux du fancé et de la fancée ou à celui adultère et passionnel de la fancée et de Leonardo, ou encore au jour même du mariage, de la fête ? - On pourrait même y ajouter celui de Leonardo avec sa propre femme, car fnalement est-ce que ce ne sont pas tous ces mariages, accumulation d’erreurs et d’arrangements, qui vont pousser au drame ?


Ce mariage de Leonardo, bien qu’antérieur au déroulé de l’action fait partie intégrante de son accomplissement. On arrive donc au titre : Mariages de sang.
Changer un titre signife de fait changer le regard que l’on va porter sur le texte qui suit.


Changer le regard, c’est rendre le texte neuf pour le spectateur, c’est le surprendre dans ses habitudes et ses aprioris. Il me semble que c’est là la fonction du théâtre.

Clarice Plasteig

septembre 2012

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