Rendre visible le toucher. Rendre visible son absence. Rendre visible l’énergie entre deux corps, l’espace qui les sépare ou la force qui les attire l’un vers l’autre. Explorer le toucher sous toutes ses formes, à travers son aspect purement physique autant qu’à travers sa place dans nos cultures, dans nos sociétés.
Essentiel dans notre découverte et notre perception du monde, le toucher évoque autant la douceur que la violence, la sensualité que l’austérité. Fascinant, ce sens l’est par sa capacité a être tour à tour un outil de réconfort, d’agression, de plaisir charnel, de solidarité, d’identification et d’analyse. C’est ce conflit permanent de ce qu’il représente qui en fait un sujet particulièrement passionnant à aborder.
Explorer le tabou qu’il évoque dans une société influencée par sa culture religieuse, confronter la tendresse de la caresse avec le caractère invasif qu’elle peut revêtir dans certains contextes non consentis, mettre en parallèle le contact avec soi-même et le contact avec les autres et ainsi questionner notre rapport à nos corps et à ceux d’autrui. Autant de possibilités qui permettent de scanner l’humain et de l’étudier dans toutes ses complexités et contradictions.

Le travail en studio se concentre sur l’écriture de phrases chorégraphiques, base du langage de la pièce; sur l’improvisation, en explorant des contraintes simples qui crée des situations instinctives, insolites et surprenantes; et enfin sur des états physiques et émotionnels liés à ce que nous évoque le thème et les différentes inspirations liées à ce thème (films, musiques, expressions populaire, mots, etc…).

Nous sommes deux face à ces questionnements, Marion Barbeau et moi-même. L’éducation artistique qui nous lie autant que les différences de milieux, de parcours et de gens qui nous ont vu grandir seront un terreau fertile à la créativité, guidant le travail vers un lieu où nos histoires se rencontrent, se reconnaissent ou se défient. Enfin, confronter nos physicalités de femmes à un tel thème permet de se libérer des carcans d’un monde hétéronormé, offrant un vaste terrain de jeu où le corps devient feuille blanche prête à prendre toutes les formes, à raconter toutes les histoires.

Cette création s’enrichira de la collaboration avec Vincent Peirani, accordéoniste aux multiples talents. Poussée par le désir de travailler avec un artiste n’ayant ni peur de l’inconnu, ni de l’échange et pouvant amener son grand savoir-faire musical et sa curiosité au projet, le choix de Vincent s’est fait naturellement.

La recherche constante d’expansion de sa palette musicale et des possibilités de son instrument en font un partenaire créatif idéal. Accompagné du percussionniste Michele Rabbia, ils seront de véritables personnages. Une relation vivante s’établira entre les quatre corps, permettant de ne pas séparer musique et danse. Dans le cadre du sujet abordé, confronter et mettre en parallèle le rapport au corps des musiciens à celui des danseurs ainsi que les musicalités de chacun est passionnant. L’échange sera un cheminement commun qui verra naitre des sons et gestes qui se complimentent, se challengent, et qui permettra d’accorder le poumon de l’instrument avec le souffle des danseurs.

Mon souhait pour cette création est de réussir à combiner des images scéniques fortes à un langage chorégraphique singulier, sans renier les influences qui le voit naître, ainsi qu’à allier musique et danse de manière organique.
Proposer une porte d’entrée sur un thème aussi intime qu’universel, auquel chacun peut s’identifier.

• Laura Bachman, mis à jour Janvier 2022