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Münchhausen, mensonge collectif

+ d'infos sur le texte de Julien Luneau
mise en scène Elsa Robinne

: Le mot de l’auteur

Depuis qu’il a fait son entrée dans le patrimoine littéraire (en Allemagne, à la fin du XVIIIème siècle), le Baron de Münchhausen apparaît comme le conteur par excellence : devant une assemblée de joyeux buveurs, il se met en scène dans les aventures les plus extraordinaires, dans la lignée de ses glorieux aînés en fantaisie (Don Quichotte, Cyrano, Gulliver, par exemple). Son sens du récit et le naturel de son invention enchantent son auditoire, charmé de ses incroyables merveilles qui transfigurent la réalité.


Ses récits, recueillis par Bürger en 1786, ont connu une grande postérité : héros populaire de la littérature allemande, il devient en France le Baron gascon de Crac, figure du menteur fanfaron ; au XXème siècle, Méliès nous le montre puisant ses images dans les délires de l’alcool ; dans le film de Terry Gilliam, en 1988, le Baron apparaît comme l’incarnation de la puissance imaginaire face au scientisme qui désenchante le monde. Son nom enfin – le syndrome de Münchhausen – est utilisé en médecine pour désigner la pathomimie, trouble psychologique caractérisé par un besoin de simuler une maladie ou un traumatisme dans le but de susciter l’attention des autres ou leur compassion.


C’est à ce carrefour d’interprétations que nous avons voulu nous placer pour inventer notre propre Baron, avec le désir de le montrer comme un homme, un être de chair, complexe et contradictoire, ridicule et sublime. Nous pensons en effet qu’il dit quelque chose d’essentiel sur le rapport que toute personne entretient à la fiction : par ses histoires, il imagine, il invente, il joue, il ment, il s’échappe de la réalité ; il pose, il cabotine, il fanfaronne, se peint en héros ou en séducteur irrésistible. Que cherche-t-il par là ? Et que cherchons-nous nous-mêmes dans nos fictions, dans nos petits mensonges ou dans nos grands récits ?


Peu à peu, nous avons eu l’intuition que la meilleure manière de fouiller ces ombres était de les représenter, d’entrer en somme sur la scène intérieure du Baron : dans son théâtre intime – qui est aussi le nôtre – ses élans, ses pulsions, ses désirs, ses grandeurs et ses faiblesses se tiraillent, se livrent une lutte à la fois cruelle et dérisoire ; incarner toutes ces forces qui divisent et constituent un être, en faire des personnages tragiques et clownesques nous a semblé être le chemin le plus théâtral pour saisir et montrer les mouvements en tous sens du travail imaginaire.


Pour cela, il nous a paru évident qu’il fallait nous y mettre ensemble : nous avons donc réfléchi collectivement à ce spectacle, nous avons écrit, raturé, improvisé, songé à des décors les plus variés, confronté nos impulsions diverses – et j’ai ensuite mis la dernière main à toutes ces esquisses.

Julien Luneau

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