La particularité de la version allemande de cette pièce de Joël Pommerat est le recours, sur une même scène, à un jeu d'acteur des plus exigeants et à des marionnettes dites hyperréalistes, manipulées avec une parfaite maîtrise. Et ainsi, la magie opère.

Quoique de petite taille (90 cm), les marionnettes sont animées de telle sorte qu'elles imitent de manière troublante la gestuelle humaine. « La petite échelle est très importante, précise Hagen Tilp, le constructeur des marionnettes. En étant limitée par sa taille, la marionnette a plus de sensibilité qu'une marionnette à taille humaine. Elle dégage une certaine vulnérabilité. Elle laisse de la place au public pour se projeter dedans. ».

Cette identification est en outre rendue possible par le réalisme de leurs traits, qui reproduisent les visages des manipulateurs. Tous les personnages, comme une métaphore des deux faces d'une même personnalité, se voient ainsi dotés de deux figures, l'une de chair, bien réelle, et l'autre de latex.

Tantôt humains, tantôt marionnettes, les personnages acquièrent différents niveaux de réalité. Les jeux d'échelle mettent en lumière des rapports de force changeants et constitutifs de cette micro-société que nous observons. Et dans ces couches successives d'histoires indivuelles ou collectives, dans ce conte moderne sur le capitalisme, on ne sait plus toujours bien distinguer qui manipule et qui est manipulé.