« C’est vrai que la surpopulation des chats devenait insupportable, et que d’après ce que les scientifiques de l’Etat National disaient, il valait mieux garder les bruns… Que les bruns… Mon coeur s’était serré, puis on oublie vite… »

Après l’élimination des chats qui ne sont pas bruns, vient celle des chiens, puis des mots mêmes de chien et de chat, jusqu’à ce que la presse disparaisse à son tour et que l’état extrémiste engloutisse les deux anti-héros de cette histoire dans une uniformité absurde. La nouvelle de Franck Pavloff est une mise en garde claire contre la passivité des foules face à la percée insidieuse des lois autoritaires. Elle a fait sensation en France au moment de sa parution en 2002 où le candidat de l’extrême droite accédait au second tour de l’élection présidentielle. Depuis, Matin brun a été traduit dans une quinzaine de langues et vendu à plus d’un million d’exemplaires.

La mise en scène de la compagnie Haut et court fait évoluer les deux personnages dans un univers d’images vidéo. Ils se fondent dans un décor mouvant qui dessine la progression du cauchemar en mettant en évidence la manipulation des esprits téléguidés. Sur le fil d’une narration proche du langage quotidien, cette interprétation de Matin brun nous interroge avec force sur notre propre conscience de citoyen et sur les mécanismes insidieux d’une collaboration silencieuse.