: Sur scène une comédienne seule
Elle incarne Létée.
Dans le texte de Stéphane Jaubertie on ne sait jamais qui est cette petite fille, un fantôme, un
souvenir, une métaphore de la conscience collective d’une famille ou véritablement une petite fille du
voisinage.
De toute évidence Létée se situe à un autre endroit de réalité que les autres personnages. Mais c’est
elle qui est le pivot de l’histoire, c’est elle qui s’adresse aux spectateurs, c’est elle qui rend palpable les
mécanismes de la mémoire (ou de l’imagination ?).
Référent unique, elle est la seule à porter sur le plateau cette traque du passé singulière. Avec une
faculté toute enfantine de passer d’un temps à un autre, de s’esquiver, de revenir, elle fait resurgir les
figures de l’histoire grâce aux outils qui servent à fixer nos souvenirs : des enregistrements sonores et
des projections d’images fixes ou en mouvement.
Cela commence par un plateau presque nu, et une comédienne qui raconte, à la première personne et nous fait plonger dans cet univers aussi poétique que concret, aussi simple qu’énigmatique. Elle trace avec des confettis blancs un cercle, un univers dans lequel les spectateurs sont inviter à plonger avec elle.
Au lointain, un large panneau noir.
Sur cet écran constitué de panneaux pivotants seront projetés des images, des portraits, ceux du
frère, de la grand-mère et du père, avec lesquels elle dialogue (sans jamais s’y adresser directement).
Ces portraits se fondent et s’enchaînent, le travail plastique des images joue avec le trouble d’une
image fixe qui parfois change d’expression dans un mouvement imperceptible.
De l’image projetée au film qui s’immisce subrepticement, de la photo souvenir en noir et blanc à la
caméra infrarouge qui filme en direct, autant de techniques diverses et de qualités d’images
différentes qui apparaissent circulent entre des temps mêlés, et emmènent le spectateur vers des
endroits d’étrangeté ludique.
Le personnage de Létée est en dialogue avec les autres personnages qui, comme sortis de sa mémoire ou de son imaginaire, sont aussi incarnés par des « voix off » ou joués ou encore rejoués (voix off doublée) par Létée elle-même. Elle joue ainsi avec leur présence/absence, avec ce qui semble réel et ce qui semble fantasmé, avec ce qui appartient au présent et ce qui appartient à la mémoire, jusqu’à en abolir les frontières.
La musique omniprésente dans cette histoire (le chant de la grand-mère qui sauve les enfants de la
noyade, les opéras qu’écoute le frère) participe à l’émergence d’une puissance émotionnelle qui se
loge dans les interstices, les ellipses et les non-dits.
De la manipulation, manipulation de panneaux, manipulation d’éléments de la scénographie intégrés à
la salle de spectacle elle même comme l’enceinte, manipulation de matériaux simple comme les
confettis de plus en plus colorés, et manipulation d’une poupée qui devient marionnette : elle fabrique
tout à vue, fait exister et embarque les spectateurs dans les rouages de ses souvenirs qui deviennent
tangibles pour se refondre dans l’étonnement et le doute,
« Mais on y a cru. Toi je ne sais pas mais moi je crois qu’on a pas besoin de raisons pour y croire ».
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