Une des facettes la moins connue mais la plus réussie de l’oeuvre de Guy de Maupassant est, à mon sens, la peinture très variée, haute en couleurs et sans concession qu'il nous livre du monde paysan de son époque.
Il a le génie de mêler à la noirceur extrême du propos le comique irrésistible des situations et des personnages. Chacun de ses paysans, par sa naïveté ou par sa rouerie, avec son avarice ou ses petites arrière-pensées fait tellement rire à ses dépens, se moque si bien du monde qu'il décrit, qu'il nous fait oublier pour un temps l'âpreté du propos de Maupassant.

L’univers paysan n'est que très peu présent dans le répertoire théâtral (il l'est d'ailleurs à peine plus dans la littérature en général). En dehors de quelques courants littéraires ou auteurs porte-paroles comme Roger Martin du Gard, Henri Pourrat, Jean Giono, l'univers paysan n'est là qu'à titre d'illustration, comme on poserait un décor, juste pour faire "couleur locale” ou encore à titre d'exemple, comme pour mesurer les pas importants accomplis par le progrès ou tout à l'inverse, la somme des valeurs perdues par le monde moderne.

Somme toute il s'efface peu à peu de notre vie et de notre culture, et cela irrémédiablement. Est-ce parce que ce "monde paysan" nous parle un peu plus des " gens de peu " ? Est-ce encore parce qu'il nous dit l'injustice criante d'un monde âpre et dur ?
Certainement l'un et l'autre. Mais la véritable cause est peut-être à chercher dans notre propre oreille. Les sons paysans comme les divers patois ne sont présents sur aucun support et encore moins dans les médias d'aujourd'hui. La musicalité et les langues véritables des terroirs sont maintenant de plus en plus difficiles à sauvegarder et à retranscrire.

Philippe Clément