theatre-contemporain.net artcena.fr

Accueil de « Les Serge (Gainsbourg point barre) »

Les Serge (Gainsbourg point barre)

Stéphane Varupenne ( Conception ) , Sébastien Pouderoux ( Conception )


: "Chacun cherche son Serge"

Conversation avec Stéphane Varupenne et Sébastien Pouderoux

Oscar Héliani. Comment pourriez-vous décrire Serge Gainsbourg ?


Sébastien Pouderoux. un esprit brillant et acéré. un être profondément inspiré et inventif.


Stéphane Varupenne. un artiste timide, sensible et paradoxal qui se cachait derrière sa froideur et son agressivité mais aussi derrière des volutes de fumée et des vapeurs d’alcool. La chanson, qu’il considérait comme un art mineur, le complexait moins que la poésie ou la peinture.


S. P. Il me fait penser à Dylan, capable, comme lui, d’écrire dans l’urgence. une sorte de vanne ouverte... Imaginez-vous que Je t’aime... moi non plus et Je suis venu te dire que je m’en vais ont été achevés en une nuit...


O. H. Serge Gainsbourg avait dit un jour : « Heureux, je n’aurais plus rien à dire. »


S. V. Je pense que c’est ce qui caractérise la plupart des poètes. S. P. On aurait tort de croire qu’il n’a souffert qu’à ses débuts, quand il cherchait désespérément la reconnaissance. Le succès n’a pas eu pour vertu de le rassurer. En réalité, cela le détruisait, tout en lui apportant cette liberté de ton qui fait qu’aujourd’hui encore on a du plaisir à l’écouter.


O. H. On a reproché à Serge Gainsbourg une certaine misogynie. Il est pourtant l’auteur de superbes chansons pour Brigitte Bardot, Jane Birkin, Anna Karina, Isabelle Adjani, Dani, ou Françoise Hardy pour ne citer qu’elles. Quelle est votre analyse de ce paradoxe ?


S. V. C’est tout simplement sa façon de séduire. S. P. Oui, il entre dans une forme de défiance qui crée un mystère autour de lui. Son attitude fausse- ment dégagée ou carrément hostile lui donne un côté magnétique. On pourrait se demander si ce n’est pas sa manière de se protéger, son mécanisme de défense.


O. H. Artistiquement, Serge Gainsbourg a été un pionnier...


S. V. Oui, il empruntait des thèmes classiques et en faisait des chan- sons. C’est un peu l’inventeur du sample. De plus, il était curieux de tout, s’essayait à tous les styles : le jazz, le rock, le reggae, l’électro... Il n’a jamais cessé d’évoluer.


O. H. Il cherchait à se démarquer au risque de choquer ou de provoquer. La provocation, selon lui, faisait partie de la création.


S. P. Il disait que la provocation était une nécessité et qu’en secouant les gens, il en tombait toujours quelque chose, des pièces de monnaie, un livret de famille, etc. Dans Les Serge, notre intention n’est pas du tout de choquer ou de déstabiliser mais plutôt d’interroger le spectateur, d’éveiller sa curiosité.


O. H. Comment est venue l’idée du spectacle ?


S. P. Depuis Comme une pierre qui... (spectacle créé au Studio- Théâtre en 2015 d’après Greil Marcus par Marie Rémond et Sébastien Pouderoux), Stéphane et moi avions envie de retravailler ensemble. Gainsbourg est, depuis toujours, une grande source d’inspiration alors quand Éric Ruf nous a fait cette proposition, nous l’avons acceptée. Le défi était de s’affranchir de la forme cabaret, un exercice avec lequel Gainsbourg était loin d’être à l’aise, pour aller vers le concert, qui lui correspond mieux.


O. H. Qui sont les Serge ?


S. V. Nous sommes six comédiens- musiciens et ce spectacle est l’occasion rêvée de créer un groupe. Si Rebecca est la seule fille, c’est un choix purement pragmatique car elle est la seule comédienne- instrumentiste de la Troupe.


O. H. Quelle forme aura le spectacle ?


S. P. une sorte de concert stand- up. Nous interpréterons des chansons et des extraits d’interviews. D’un côté, il y a la musique, de l’autre, il y a l’homme avec sa répartie en interview, son esprit irrévérencieux et subversif. Tout ce qui fait l’intérêt de le fréquenter à travers un spectacle.


S. V. On pourrait penser à une ultime répétition la veille d’un concert. Notre volonté est d’explorer davantage l’envers du décor, la part intime et confidentielle de Gainsbourg...


O. H. Devant une œuvre aussi prolifique, comment avez-vous effectué des choix ?


S. P. Nous avons privilégié le Gainsbourg amoureux et sensuel.


S. V. En une heure vingt de spectacle, on ne peut donner à entendre qu’une infime partie de son immense répertoire. Nous avons accordé une place importante à tous ses morceaux emblématiques que la nouvelle génération ne connaît pas forcément.


O. H. Vous êtes six comédiens-musiciens, verra-t-on six différents Serge ?


S. P. Aucun de nous n’est en charge d’une période précise de la vie de Serge Gainsbourg. On pourrait imaginer un sous-titre : Chacun cherche son Serge. À chaque acteur d’investir la partition à sa manière et de trouver en lui le provocateur, le subversif, le timide ou l’inhibé.


O. H. Vous avez plusieurs casquettes dans ce spectacle, est-ce un atout ou un inconvénient ?


S. V. Par moments, c’est assez compliqué d’avoir du recul. C’est en cela que le binôme est pré- cieux. Pour la musique, nous enregistrons nos sessions, ce qui nous permet davantage d’exigence. Nous sommes également très aidés par nos arrangeurs.


O. H. Dans le spectacle, vous rejouez la rencontre de Serge Gainsbourg avec Whitney Houston dans l’émission Champs-Élysées et la séquence où il brûle la moitié du billet de 500 francs sur le plateau de Sept sur sept. Ne craignez-vous pas de focaliser l’attention sur le provocateur qu’il a pu être ?


S. P. Non, pas vraiment. La personne en charge de ces deux séquences les interprétera avec beaucoup de délicatesse. Il s’agit davantage d’une citation que d’une volonté d’incarner ces provocations.


S. V. Nous les détournons pour que cela reste un clin d’œil...


O. H. Quelle séquence retenez-vous comme la plus marquante dans la vie de Gainsbourg ?


S. P. Lorsqu’il interprète une chanson inédite, La Noyée, sur un plateau de télévision. J’aime l’absence d’affectation. On ressent moins le pathos que chez Brel ou Ferré par exemple. Cela me touche énormément.


S. V. En 1985, il est l’invité du Jeu de la vérité. Il reprend au piano Parce que, une chanson de Charles Aznavour. C’est un moment suspendu qu’il s’emploie ensuite à faire voler en éclats en répondant à Patrick Sabatier. Pour moi, c’est tout Gainsbourg, quelqu’un qui ne cesse de casser l’émotion.


O. H. Serge Gainsbourg voulait qu’on se souvienne de lui comme d’un homme parfois trouble, parfois violent, assez porté sur l’érotisme, avec un langage précis et un style. Qu’aimeriez-vous que le spectateur retienne du spectacle ?


S. V. L’impression d’avoir entrevu l’âme d’un poète, comme dans la chanson de Charles Trenet. Et qu’il lui reste un air ou une parole en tête.


S. P. Le sentiment d’avoir fréquenté Gainsbourg à travers nous.


  • Propos recueillis par Oscar Héliani
imprimer en PDF - Télécharger en PDF

Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné, Je me connecte Voir un exemple Je m'abonne

Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.