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Les Gardiens du rêve

+ d'infos sur le texte de Elsa Solal
mise en scène Jeanne Champagne

: Interviews croisées : Elsa Solal et Jeanne Champagne

Comment et pourquoi en êtes-vous arrivées à prendre part au projet Mémoire à vif ?


Elsa Solal. D’abord il y a avec Jean-Joël Le Chapelain un désir de travailler ensemble que nous avions depuis longtemps. Il connaissait mon travail d’écriture qui interroge l’actualité et la mythologie, tout cela en lien avec un territoire et une problématique. Comme tout le monde j’avais été très touchée par les événements de novembre 2005. Sa proposition m’intéressait à double titre. Comme citoyenne d’abord et comme écrivain ensuite. Pour moi, le théâtre a aussi pour fonction d’être un espace qui puisse répercuter des paroles inaudibles, des mémoires pas transmises. C’est une autre scène qui peut éclairer artistiquement et poétiquement toutes les questions auxquelles nous confronte la société actuelle.


Jeanne Champagne. Je venais de faire un travail qui questionnait la devise « Liberté, égalité, fraternité ». Avec Mémoire à vif on m’offrait la possibilité d’être dans la poursuite de ce questionnement et j’ai tout de suite accepté. Pour moi on ne peut pas pratiquer un théâtre hors du monde et ces actes forts et revendiqués sont des alertes. Après un tel drame il était évident qu’on ne pouvait pas rouvrir le théâtre sans se poser des questions. Il était urgent de s’interroger : Qu’est ce qui se passe ? Que peut faire le théâtre aujourd’hui ? Que signifie une telle agression ? Quel lien a été rompu ?


Comment avez-vous choisi de travailler ?


Elsa Solal. Dès le départ je voulais pouvoir élargir le thème. Mon souci était à la fois de traiter de ce qui s’était passé au Théâtre des Louvrais mais aussi de trouver quelles pouvaient être les brûlures des gens. J’avais donc besoin de rencontrer des personnes venant d’horizons très différents et ne partageant évidemment pas le même point de vue sur les événements. Sur la forme, la parole était libre mais canalisée car j’ai voulu que les rencontres débouchent sur des ateliers d’écriture.


Jeanne Champagne. Ce qui m’importait dans cette aventure c’était de traverser des frontières, de redonner la parole à ceux qui ne l’ont pas, de redonner le respect. Pour moi le théâtre n’a pas réponse à tout mais il peut témoigner, être un espace des possibles, un espace du lien possible. Or les événements des banlieues avaient montré qu’un gouffre s’était creusé, qu’il y avait trop de laissés pour compte. En organisant ces rencontres on a ouvert « une vanne ». On s’est alors retrouvé face à un flux de mots, face à des gens qui voulaient parler et exister. C’était bouleversant.


Après le temps des rencontres comment en arriver au geste créatif ?


Elsa Solal. Il m’a fallu d’abord prendre du recul. J’avais besoin de digérer tout ce que j’avais pu entendre et qui était très riche. J’avais besoin aussi de trouver par quel biais je pouvais aborder toutes les questions soulevées. Le travail de reconstruction dramaturgique a pris du temps. Les rencontres effectuées ont nourri ma réflexion mais pas seulement. J’ai choisi aussi de m’inspirer d’autres faits divers de l’actualité qui m’avaient marqué. Mon héroïne, qui est sorte d’Antigone moderne, trouve son origine dans une histoire bien réelle : celle de cette jeune fille tondue par son père et par son frère simplement parce qu’elle avait embrassé un étranger.


Jeanne Champagne. Mon désir le plus fort est que cette création soit une chambre d’écho du monde, que des paroles multiples la traversent, que des voix soient entendues. Ce n’est pas évident de faire exister sur un plateau de théâtre tout ce que nous avons reçu. J’espère simplement que par notre travail nous saurons redonner autant qu’on nous a donné.


Propos recueillis par Juliette Corda

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