: L’histoire
En pleine guerre du Chaco entre la Bolivie et le Paraguay (1932-1935), un bataillon
bolivien tombe dans une embuscade et se disperse dans les bois pour éviter d’être
encerclé. C’est dans cette nature hostile, ce Chaco aride semé de broussailles et de forêts
sèches impénétrables, qu’un groupe d’hommes (comme il y en eut beaucoup dans cette
guerre) va se perdre, tenter de trouver une hypothétique lagune, dormant le jour,
marchant la nuit pour survivre à la chaleur écrasante.
Mais la réserve d’eau s’épuise, les hommes aussi, et l’espoir. Pour le maintenir,
assurer la cohésion du groupe et son autorité sur les hommes, le Capitaine Borlagui se
sert de l’illusion comme arme ! Mentir pour tenir ! Tenir pour sortir vivant de ce guêpier.
La nuit enveloppe le groupe de présences invisibles. La forêt aime la chair
humaine. On croit voir derrière chaque animal un démon, et derrière la vision hallucinée
d’une femme, le Tangatanga, dieu tricéphale.
La lagune H3 existe paraît-il, mais elle reste introuvable, elle ne figure sur aucune
carte. La ration d’eau diminue de jour en jour. On entend régulièrement le bruit d’un cours
d’eau mais ce n’est qu’une illusion de plus que la fièvre entretient. Alors, pour calmer les
terreurs, les manques et les angoisses, chacun a ses recours, ses talismans : Dieu pour
certains, les Dieux pour d’autres, les croyances et superstitions indiennes.
Et puis il y a le lieutenant Contreras qui ne croit à aucun dieu, à aucune
superstition, mais, hanté par une ombre qui le suit sans doute, qui l’habite sûrement, va
un jour s’en libérer par un acte considérable, irraisonné : l’attaque au couteau d’un tronc
d’arbre, un toborochi, qui, sous les coups rageurs de la main qui le taillade et le sculpte,
va prendre la silhouette et les traits d’un homme. Un acte de création qui, à lui seul, va
transcender la peur de la mort.
La force de cette écriture, c’est que l’auteur donne à voir la réalité de ces hommes
errant dans la jungle aux prises avec la faim, la soif, la peur, l’épuisement, les fièvres,
petite communauté d’hommes où la hiérarchie sociale, militaire, les ambitions, le pouvoir,
les trahisons, la solidarité, le cynisme, l’espoir, le désespoir, le rire et les pulsions de
violence, redéfinissent à chaque pas, à chaque souffle, les lignes de force et de fuite.
Dans le même temps, Adolfo Costa du Rels nous ouvre un monde fantastique, peuplé
d’ombres mouvantes, de lueurs dans les fourrés, habité de présences diaboliques ou
féériques, un univers qui nourrit la peur et l’angoisse des hommes comme leur capacité
de rêve, leur imaginaire, leur puissance de survie.
Arlette Namiand
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