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Les Bâtisseurs d'empire ou le Schmürz

+ d'infos sur le texte de Boris Vian
mise en scène Pauline Ringeade

: Les Personnages

Vian aborde très frontalement les clichés comportementaux dans cette pièce et ne ménage pas ses personnages quant au nombre de phrases « toutes faites » qu’ils peuvent dire, particulièrement les parents. Cela va avec la dimension « théâtrale » dont je parle plus haut, au mauvais sens du terme, c’est-à-dire que les parents ont une grande tendance à répondre ce qu’on attend d’eux, comme s’ils n’avaient pas besoin de le penser, comme s’ils récitaient.
Et c’est là que le personnage de Zénobie est très central : elle est celle qui pose les questions, questions elles aussi évidentes d’ailleurs, mais qu’il faut oser poser. Elle le fait avec toute sa verve d’adolescente qui a soif de franchise. Elle s’adresse vraiment aux autres, elle leur parle et l’événement théâtral reprend alors toute sa force. Sa parole n’apparaît pas du tout naïve, mais au contraire très politique car elle ne supporte pas la langue de bois. Elle semble être la seule consciente de l’horreur qui se joue avec le Schmürz, la seule à interroger leur comportement à tous et à ne pas se satisfaire des non- réponses qu’on lui fournit.
Cruche est un personnage très déroutant également, qui s’exprime très souvent par énumération, laissant toujours un tel choix dans les réponses qu’elle attend, qu’il devient difficile d’en faire un. Comme si elle nous rappelait sans cesse que les choix sont infinis, et que chaque situation dans laquelle on se retrouve en découle… vertigineux en terme de responsabilité. Elle porte ainsi quelque chose de très noir.


« Cruche. - Qu’est-ce que je fais pour le déjeuner ?
(…)
Mère. – On pourrait manger froid.
Zénobie. – Manger qui ?
Père. – Manger quoi ?
Cruche. – Du veau, du potage, des radis, de la semoule, du turbot, des carottes ou des quenelles ? Ou alors de l’anguille, du salami, du fricandeau, de la tête de porc vinaigrette, ou des moules ?
Mère. – D’abord, qu’est-ce qui reste ?
Cruche. – Des nouilles. »


Il me semble intéressant de travailler sur nos propres clichés, ceux des interprètes. Je m’explique. Je ne considère pas que quiconque puisse être un cliché, c’est le regard qu’on porte sur les autres qui les catégorise.
Être en scène crée une image et donc comment peut être interprétée cette image, voici la première question, intéressante pour des acteurs je pense. Que dégageons-nous physiquement, et donc socialement ? puisqu’on ne niera pas que l’un conditionne l’autre, et donc que représente-t-on ? ou bien, que peut-on représenter en mettant en lumière ces choses là ou pas ?
Travail difficile que l’on rencontre notamment dans le travail du clown, et j’aimerais effectuer une vraie recherche avec l’équipe pour que chacun puisse trouver « son » Léon, « sa » Cruche…


Il est donc important que les interprètes n’aient pas tous le même âge dans ce travail - même si nous accentuerons probablement la différence entre eux - pour que cette base-là existe « pour de vrai » dans les rapports. Ceci est important aussi pour travailler dans une finesse du jeu, une vérité, dans ce que « le clown » peut avoir d’invisible, d’accidentel et donc de poétique. Il ne s’agit pas d’entrer dans une esthétique grossière, bien au contraire, la pièce prend du relief lorsque ce texte exagéré est interprété simplement, inconsciemment presque. (Je pense à Tati, Keaton, Chaplin)


Le travail sur le rôle du Schmürz sera de donner l’illusion d’une réelle souffrance due à l’illusion d’une réelle violence infligée par les autres. De plus, il est indiqué que le Schmürz est en perpétuel mouvement, et il y a une véritable chorégraphie à inventer dans cette permanence.


« Le schmürz gît, inerte, mais dans quelques instants il va se remettre à grouiller et se redresser. »


Je pense qu’il est important de ne pas sublimer les coups donnés au Schmürz, il faut que ce soit dérangeant pour le spectateur, comme ça l’est pour le lecteur.


« Le schmürz s’effondre, le père le regarde, va à la cuisine, rapporte une carafe, la lui vide sur la tête : le schmürz se redresse avec peine, le père lui balance son pied sur la figure ; pendant tout ce temps la mère continue »

Pauline Ringeade

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