: Note d'intention
Quelle serait la dernière conversation du monde ?
J’ai l’intuition que cette histoire de vide et de plein qui se tisse dans le tiers-temps d’une
conversation bute sur ces autres temps qu’on nomme peut-être le réel, ou le silence. Quand j’ai
écrit Le rêve et la plainte, en février 2020, la pandémie était à ses balbutiements et j’ai été émue
par une sensation de fin de règne, une sensation de fin du monde, mais surtout par la beauté
que la finitude m’inspire.
Depuis quelques temps, j’ai envie de voir sur scène quelque chose de beau. Au premier degré.
J’ai aussi terriblement envie de vide et de silence.
Et j’ai envie que les pleins qui cohabitent avec ce vide soient denses et joyeux.
(...) Il pleut quelques instants, puis peu à peu la pluie se transforme en grêle, il pleut de gros morceaux de grêle. A présent, de bons gros morceaux de glace tombent du ciel et brisent leur silence.
La Princesse de Lamballe
Tiens, il grêle à présent.
Grêle. Déluge. Fin de règne.
Marie-Antoinette
Voilà le changement...
FIN
À mesure que les répétitions avancent, je fais une relecture de la fin de la pièce très science-fictionnelle. Il m’apparait clairement que cette longue conversation, musicale, un peu drôle et
futile, parfois tragique par sa vacuité, et qui s’achève par une pluie de blocs de glace, pourrait
être la dernière conversation sur Terre, juste avant que celle-ci ne soit engloutie sous les eaux.
Quand j’analyse la pièce que j’ai écrite, j’y trouve une situation qui fait écho à des œuvres
d’apocalypses qui m’ont marquée dans le cinéma : la réunion dans le parc à la fin de
Melancholia de Lars Von Trier, le puissant message sur le temps et l’amour dans Interstellar de
Christopher Nolan, ou encore la scène finale de Don’t look up d’Adam McKay où des amis décident de se réunir pour dîner ensemble une dernière fois avant qu’une comète ne percute la
Terre... Le rêve et la plainte fait état de cette nécessité de se réunir autour d’un acte ordinaire et
de parler « petit » pour pallier aux menaces de finitude et à la vanité de l’existence.
Je me suis bien sûr interrogée sur la présence ambiguë de ces personnages historiques qui
s’adressent les uns aux autres comme des gens ordinaires contemporains. Outre ma signature
d’auteure souvent qualifiée de « théâtre d’absurde », j’y trouve ma passion pour l’Histoire et les
périodes pré-révolutionnaires. Cette ambigüité est aussi une façon de parler du temps. J’ose espérer que la conjugaison des trois temporalités (passé/personnages historiques, présent/conversation entre amis, futur/la fonte des glaces) saura semer une confusion de repères et plonger les
spectateurs dans une attitude purement contemplative, suspendue au-dessus du temps social.
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