Au conservatoire de Barbezieux en Charente, sa ville natale et celle de son enfance, Arnaud Meunier apprend la flûte traversière et le chant – parce que sa maman avait toujours rêvé d’être pianiste – mais il est très vite attiré par la classe voisine d’art dramatique. De ce « glissendo », Arnaud conservera à l’égard des textes de théâtre un goût quasi amoureux des sonorités, des rythmes et de la musicalité. Après avoir complété sa formation aux Ateliers de Sapajou de Montreuil-sur-Seine alors dirigés par Annie Noël, l’envie lui vient très vite avec quelques camarades d’école de fonder une compagnie, « La mauvaise graine », et monte Croisades de Michel Azama.

D’Azama à Vinaver

Programmé dans le off en Avignon, le spectacle remplit ses objectifs au-delà de toute espérance :
Une demi-page dans Libération, l’attention bienveillante de la DRAC d’Ile de France et du Thecif1, et surtout le coup de coeur de Stanislas Nordey qui accueillera au TGP de Saint-Denis le spectacle suivant, composé de deux Iphigénie, celles de Racine et de Michel Azama, et engagera Arnaud comme assistant à la mise en scène pour Les trois soeurs, un opéra de Peter Eötvos d’après Tchekhov créé à Utrecht et repris à Hambourg, aventure au cours de laquelle s’aguerrit définitivement le jeune apprenti. Après la période Azama, Arnaud Meunier, qui ne cache pas sa préférence pour les écritures contemporaines ainsi que pour une exploration quasi obsessionnelle des auteurs et de leur oeuvre, engage avec Affabulazione en 2001, puis Pylade en 2003, un voyage pasolinien qui l’amènera même à revisiter La vie est un rêve de Calderon (2004) qu’il avait un temps songé à aborder dans la relecture qu’en propose Pasolini.
Ses partenaires sont alors le Forum du Blanc-Mesnil, pépinière de nombreux talents de sa génération, et La Maison de la Culture d’Amiens avec laquelle il entre en association.
La rencontre avec l’écrivain de théâtre japonais Oriza Hirata est à ce moment décisive et ouvre un autre cycle. Le succès de Gens de Séoul ( 2006) offre à Arnaud Meunier la possibilité de travailler au Japon et de faire découvrir au public de ce pays le lointain grand cousin français de Hirata, en l’occurrence Michel Vinaver, dont Arnaud montera successivement La Demande d’emploi (en japonais), King, et encore Par-dessus bord dans une adaptation japonaise dont témoigne une belle publication co-signée par Vinaver et Hirata aux éditions de l’Arche.

Ecritures contemporaines

Qu’elles soient donc poétiques – il a aussi monté Hikmet et Ritsos -, lyriques, mythologiques, politiques, ou encore « quotidiennes », « ordinaires » et sociales, la prédilection d’Arnaud Meunier pour les écritures contemporaines et tout particulièrement pour les auteurs vivants n’est plus à prouver ni à démontrer. Rien d’étonnant donc à ce qu’il soit attentif à la réception par la poste d’un nouveau « tapuscrit » de Théâtre Ouvert signé François Bégaudeau, sa première « vraie » pièce de théâtre, lui qui était principalement connu comme critique de cinéma et comme l’auteur de Jouer juste et Entre les murs.
« Cet envoi tombait à point nommé, nous confie-t-il. L’obsessionnel en moi avait envie de se désintoxiquer de Vinaver, quitte à y revenir plus tard… » (plutôt que « se désintoxiquer » qu'Arnaud juge un peu trop fort, pourrait on adoucir en mettant « s'éloigner » ou quelque chose du même acabit ? ). Arnaud Meunier avait déjà pratiqué l’écriture de Bégaudeau lors dune lecture théâtralisée d’Entre les murs à Saint-Quentin en Yvelines, un autre de ses havres de résidence, lecture accompagnée des improvisations à la clarinette et au saxo de Louis Sclavis. A la lecture du Problème, il retrouve quelques éléments de ce qui l’avait attiré plus tôt chez Vinaver et Hirata… Comme il l’explique dans le texte qu’il consacre dans ce dossier à François Bégaudeau…

Yannic Mancel