Pourquoi les autres envahissent les femmes à ce point-là ? Pourquoi tout parvient à nous envahir ?

Ce désir de monologue est né de ma première collaboration avec Anna Delbos Zamore. Lors d’un laboratoire de recherche intitulé Portraits de femmes en 2011. Nous voulions aborder des destins de femmes et tisser des liens entre elles et nous. Tendre un fil entre leur histoire et notre histoire. Le public et l’intime. Au cours de ce travail, Anna m’a parlé d’un texte mettant en scène une femme, une jeune mère. Un monologue sur la maternité, la filiation, la perte de soi, la perte de sens. Il s’agissait de Le Groenland de Pauline Sales. J’ai lu ce texte et je l’ai reçu en plein visage, en plein coeur. En plein ventre aussi. Cette langue crue et sèche, ces mots pour décrire la maternité comme quelque chose d’aliénant, de vertigineux m’ont profondément ébranlée. Je veux raconter cette maternité comme un endroit de soi où l’on peut parfois se nier, se perdre, disparaitre. Le personnage de Pauline Sales n’est ni une Médée ni une Clytemnestre, c’est une femme au destin et à la vie banale donc terrible. Nous ne savons pas qui elle est, quand, comment, pourquoi elle en est arrivée là. Elle est simplement là, sur le bord de cette route, la nuit, avec sa fille, en partance pour le Groenland. Le genre de personne à côté desquelles nous passons tous les jours. Sans s’en apercevoir. C’est précisément pour cette raison que j’ai eu envie d’interpréter ce rôle, parce qu’il porte en lui le désespoir du quotidien. Il n’y a ici ni cri ni coup d’éclat déchirant, juste une plainte lancinante et à peine audible.

Florie Abras

L’exercice du monologue est un exercice particulier. Il nous oblige à aller à l’essentiel.
Quand j’ai parlé de ce texte à Florie Abras, nous avons toutes les deux été très enthousiastes. C’était une nouvelle expérience, un nouveau défi qui s’offrait à nous et que nous avions envie de partager.
Le monologue est une confidence intime. Un lien très fort qui unit l’actrice et le personnage, l’actrice et le public. Le public est pour elle son unique partenaire, son unique regard. La mise en scène d’un monologue requiert une grande efficacité, un travail de la langue précis, et une direction d’actrice minutieuse. Ce travail avec Florie est un travail sensible basée sur l’intime. Le sien d’abord, puis celui du personnage qu’elle porte. Pourquoi ce personnage ? Qu’est ce qui la touche en elle ? Qu’est ce qu’elles ont en commun ? Comment s’empare-t-elle de cette prise de parole ? Le personnage de Pauline Sales est une femme d’aujourd’hui qui pourrait être n’importe laquelle d’entre nous ou n’importe qui autour de nous. Mon travail tend à révéler l’universalité de ce personnage à travers l’unicité de cette comédienne.

Anna Delbos-Zamore