Bien sûr il y a ce « mort au début », placé en quelque sorte en exergue du récit, un peu comme la clef de sol vient se placer au tout début d’une portée. Bien sûr on ne peut pas ne pas percevoir la petite note nostalgique et mémorielle qui parcourt le texte. Comment pourrait-elle ne pas y figurer en filigrane ? Comment ne pas rendre hommage à ce père génial et prolixe qui lui a tant manqué ?

Mais à nos yeux, ce n’est pas elle qui structure le « Bruit des clefs », qui lui donne ce tintement particulier qui en fait un texte « à part » dans l’œuvre de son autrice. Car ce qui nous « appelle » intensément au travers des mots d’Anne Goscinny, c'est le désarroi terrible de la petite fille qui s'efforce de grandir normalement envers et contre tout, cette petite fille de neuf ans qui expérimente toutes les diversions possibles, qui ne veut pas aller à l’école avec « un mort dans son cartable » et qui pour grandir va aller jusqu’à s’inventer d’autres pères, des pères de substitution, des pères « remplaçables »...

Cette petite fille, qui voudrait tellement vivre comme les autres, et qui doit déployer des montagnes d’inventivité pour tenter de se donner l’illusion que ce serait possible, cette petite fille nous bouleverse par son intelligence et sa capacité de résilience.
Et il nous semble bien que cette enfant, qui s’exprime trente-quatre ans plus tard avec les mots de l’adulte qu’elle est devenue, cette enfant singulière et entêtée, ne raconte pas seulement son propre « destin », mais qu’elle livre aussi quelques « clés » susceptibles d’intéresser ceux qui veulent explorer les tiroirs de la nature humaine...

Cette petite fille, nous voulons donner à entendre sa voix intérieure, sa « petite musique », sans autre artifice que la guitare de Wim Hoogewerf. La simplicité de moyens et de forme artistique nous paraît plus que jamais de mise pour faire tinter un « Bruit des clefs » d’une authenticité bouleversante.