: Entretien avec Hélène Cinque
De quoi parle « La Ronde de nuit » ?
Un homme afghan est engagé comme gardien
de nuit dans un théâtre. Au moment où
il arrive, arrive l’Afghanistan. C’est un choeur
d’afghan, qui, mené par son coryphée, se pose
là le temps de repartir, pour l’Allemagne ou le
plus souvent vers l’Angleterre, pour poursuivre
l’objectif de trouver une terre d’asile.
C’est la métaphore de la terre d’asile qui est
en lien avec l’histoire du Théâtre du Soleil et
celle d’Aftaab.
Aujourd’hui, la pièce est importante pour le Théâtre Aftaab et les membres qui le composent. « Comment vous positionnez-vous par rapport à votre vie en en France, celle d’aujourd’hui et de maintenant. À la langue, la culture, les chocs culturels, qu’acceptezvous, qu’est que vous n’arrivez pas à accepter ? Comment raisonne en vous l’absence et l’abandon d’un pays en guerre ? D’une famille que vous laissez là-bas ? Et finalement qu’estce qui émerge de tout ça ? Qu’est-ce que la France vous a apporté ? Parlez-en… », c’étaitlà notre point de départ.
C’est important de réaliser que ces Afghans ont tout quitté, et qu’ils ont fait un très long chemin jusqu’à aujourd’hui.
Nous aussi, nous pourrions tout quitter…
Absolument ! Comment vit-on avec ce qu’on quitte, avec ce qu’on a subi, ce qu’on a vécu ?
Est-ce le récit qui a apporté la forme ?
La difficulté, c’est que nous avons produit 100
heures de récits ; mais il a fallu trouver le théâtre
là dedans. C’est à dire le rythme, la musique,
le corps, le dessin…
Il a fallu faire émerger les situations les plus
fortes, tout comme remontent les rêves et
les cauchemars : les gens qu’ils ont laissé derrière
eux en Afghanistan, et aussi ce qu’ils ont
découvert de différents et de choquant, mais
d’intriguant…
On est vraiment dans une création contemporaine
qui est toujours à la lisière de la fiction
et la réalité ; du récit du présent au flashback
qui est un rêve ou un fantasme.
Les fantasmes émergent quand le reste du
théâtre est endormi. Car à cet instant il peut
vivre et être exprimé. Non pas par du texte.
Mais par du visuel : par du corps, par des états
forts, par un simple cri.
Alors justement comment passe-t-on du récit au texte, du texte au plateau… Comment arrive-t-on au Théâtre ?
Petit à petit, après l’étape de l’improvisation, de la transcription, de l’arrivée du texte, il a fallu resserrer autour d’un personnage pour chacun des comédiens. Et ces personnages devaient servir la trame centrale de l’histoire. C’est cela le montage, c’est trouver le fil de chacun des personnages pour tisser la fable.
Et puis les mots, c’est un peu comme pour les personnages, ils doivent servir l’histoire. Les personnages sont tous là pour une nuit. Ils arrivent à un horaire et doivent prendre le premier métro. Ainsi, le temps est devenu très concret. On a compris, dès lors, qu’en ce laps de temps on ne raconte pas tout. On se raconte nous-mêmes. C’est ça la priorité.
Cette création collective devient alors une nuit collective. Car si les personnages ne se connaissent pas en arrivant dans ce théâtre, ils vont apprendre à s’écouter, à s’observer, à se rassurer…
Du fait, que permet le théâtre quand on a traversé cette Nuit ?
De beaucoup voyager, je pense. Voyager à travers les histoires de chaque personnage. Comprendre le monde qui nous sépare les uns des autres.
En tout cas on réalise beaucoup de choses. On comprend. On rit beaucoup aussi.
Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné,
Je me connecte
–
Voir un exemple
–
Je m'abonne
Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.