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La Nuit les brutes

+ d'infos sur le texte de Fabrice Melquiot
mise en scène Roland Auzet

: Note de l'auteur

J’ai rencontré Roland Auzet, qui m’a proposé d’écrire un texte pour deux actrices, Anne Alvaro et Clotilde Mollet, texte à incarner, mais aussi à mettre en musique. Une sorte d’opéra-fiction, dont j’ai posé la structure et les premiers fragments. Je cherche à élaborer une dramaturgie morcelée, trouée d’ellipses tranchantes, avec des scènes livrées en rafales, comme des instantanés tronqués (donnés à voir alors que la scène a déjà commencé, s’interrompant alors qu’elle n’est pas encore achevée). Glisser ainsi de scènes dialoguées à un enchâssement de monologues croisés, passer par de brefs récits étranges (descriptions de tableaux – Death on a pale horse de William Turner, La femme à la perruche de Renoir… - ou d’objets – étui à violon, lampe tempête… - portraits de saintes martyres ou de brutes épaisses…) entre lyrisme et quotidienneté, tragique et drôlerie.


En creux, pèserait le secret qui lie les deux personnages, femmes d’aujourd’hui, d’hier et de demain ; deux femmes primitives, donc, Ethel et Maria. Il s’agit moins d’un suspense que d’une pulsation sourde, une tension noire, comme si les sols étaient volcaniques. Un mot sur la «fable» : Ethel et Maria partagent le même appartement, à la périphérie d’une ville qui n’a plus de centre – sinon son hôpital – à moins que ce ne soit sa prison – et où les bars, à mesure qu’ils se multiplient, dégorgent leur vide sur les trottoirs. Le jour, elles dorment ou hantent l’appartement, s’abandonnent à de menues actions (tâches ménagères, toilette, lecture, jeux, examens médicaux...) J’aimerais explorer le minutieux ennui des rentières, pauvres rentières, qui vivent fragilement d’héritages décharnés. Et puis la nuit, elles sortent dans la ville et passent de bar en bar à la recherche de brutes à aimer, des brutes à provoquer, à pousser à bout, des brutes pour les massacrer, leur donner le mal qu’elles souhaitent. Deux femmes qui cherchent des brutes.


Femmes battues volontaires. Cognées victorieuses. Masochisme ? Mais que j’aimerais aussi joyeux, comique, facétieux, que dans la chanson Fais-moi mal, Johnny.


Le temps dans lequel se déroule l’action serait immuable, autant qu’incontrôlable ; on pourrait être en 2030 comme cent ans plus tôt ; réflexion faite, on est en 2030 et cent ans plus tôt. Temps changeant, comme les objets dans l’appartement, qui se métamorphosent à certaines heures (la pièce pourrait s’ouvrir sur la transformation sous nos yeux d’un verre à pied en étui à violon). Comme si le chaos avait trouvé sa fluidité, l’évidence de sa victoire : une chose en devient une autre, sans prévenir, imposant leur loi (et soudain, comment boire à un violon ?).


Je me sens engagé sur des brisées expressionnistes : la ville, le jour et la nuit, l’ombre, le double, des lieux habités par la mort (hôpital, morgue), le fracas du réel bourgeois. Pour aboutir à une vision profondément tragi-comique de ce monde et de cette relation d’amour vénéneux entre femmes, parmi les mâles.

Fabrice Melquiot

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