: Notes
Par David Lescot
ARGUMENT
L’histoire de La Force qui ravage tout m’a été lointainement
inspirée par l’opéra baroque L’Orontea, du compositeur italien Antonio Cesti (1656). Dans cette œuvre, qui apparaît à
premier abord comme un aimable divertissement, et qui a
gardé assez mauvaise réputation à travers les siècles, à cause
de son intrigue plus que légère, on a le sentiment que les personnages ne songent qu’à l’amour, qu’il est leur seule occupation, le seul but et moteur de leur existence. Dès lors, se
dégage de cette vision du rapport amoureux une dimension
presque inquiétante, frénétique et en tout cas très instable.
On dirait les personnages possédés par une puissance qui
les dépasse et les soumet, un principe passionnel bien éloigné d’une conception idéale de l’amour.
Au commencement de La Force qui ravage tout, on assiste
donc à un extrait de L’Orontea, l’air de Silandra « Addio Corrindo », où elle passe en un instant d’un amant à l’autre.
Or les spectateurs qui ont suivi cette représentation ce soir-
là se mettent à se comporter de manière de plus en plus
étrange et imprévisible, rebattant sans les cartes de leur vie
sentimentale, puis se mettant à soumettre tous les autres
aspects de leur existence au règne de l’amour. C’est lui désormais qui guide leurs comportements, leur mode de vie ou
leurs choix professionnels.
On suivra donc les catastrophes occasionnées par cette folle
nuit, et les péripéties vécues par le groupe de spectateurs
dont le point commun est d’avoir assisté à la même représentation donnée ce soir-là.
La Force qui ravage tout est aussi une pièce sur l’art et la
place qu’il occupe dans nos vies.
Échangeant d’abord des propos sur le spectacle qu’ils viennent de voir, le groupe des spectateurs, qui est le véritable
personnage de la pièce, se rend au restaurant, puis à l’hôtel.
Selon une construction chorale, nous les suivrons les uns et
les autres durant cette première nuit (blanche pour tous),
puis au cours de la journée qui suit, et jusqu’à la nuit d’après.
Au fil de ce temps continu se déroulent leurs histoires et
leurs bouleversements, les relations qu’ils nouent, celles
qu’ils brisent, celles entre eux ressurgies du passé, situations
absurdes, renversantes, drôles ou tragiques, mais qui lais-
sera leurs vies sens dessus dessous.
LA MUSIQUE
La musique de La Force qui ravage tout traduit la dimension
émotionnelle de l’expérience surnaturelle vécue par la galerie
de personnages, et lui donne sa couleur esthétique.
Il y a par exemple à l’ouverture de la pièce un traitement original de la musique baroque, où j’aimerais réaliser un arrangement mêlant instruments classiques et instruments
électroniques, pour accompagner la voix lyrique. Ce traite-
ment iconoclaste suscitera à l’intérieur même de la pièce des
réactions contraires des personnages eux-mêmes, et précipite leurs disputes.
Outre cette ouverture, le style des morceaux sera varié, avec
une tendance tournée vers la pop, le jazz, la soul et le spoken word, qui consiste à poser du texte parlé sur du rythme ou de la
musique, et qui est une technique que je ne cesse d’explorer.
La formation musicale est composée d’un piano électrique
(Fabien Moryoussef), d’une basse (Philippe Thibault), d’une
guitare (Ronan Yvon), et d’une batterie (Anthony Capelli,
également chargé de l’électronique et de la direction musicale). C’est une formation qui permet de glisser d’un genre
musical à l’autre tout en gardant une forte signature sonore.
Il s’agit aussi d’instrumentistes qui ont croisé la musique
avec le théâtre et qui connaissent les exigences de temps et
d’organisation représentées par un tel mélange.
J’ai confié la direction musicale à Anthony Capelli, depuis Les
Ondes magnétiques, créé en 2018 à la Comédie française, et
pour lequel nous avions inventé une bande originale accompagnant l’épopée des radios libres en France au début des
années 1980. Nous avons décidé de mêler un geste musical
acoustique et des effets électroniques, qui traduisent
l’étrangeté de l’expérience vécue.
Ici, la musique, comme la danse, est plus qu’un accompagne-
ment ou qu’une illustration du texte. C’est la structure même
de la pièce, la forme qui permet de distinguer la vie « normale » et la vie profonde, la vérité des êtres. Elle transforme
l’esthétique scénique comme le langage, donne à l’écriture
et au récit sa direction, et, comme à l’opéra, c’est elle qui des-
sine en profondeur les personnages.
LA DISTRIBUTION
J’ai décidé de reconduire de manière générale la même distribution et la même équipe artistique que pour ma création
précédente, Une femme se déplace. D’abord parce que la
rencontre et la collaboration avec cette équipe a été un moment déterminant de mon parcours artistique, et qu’une osmose rare s’est créée entre ces interprètes de différentes
générations, aux talents très affirmés pour le jeu, le chant et
la danse, qui nourrit une forte envie de part et d’autre de prolonger notre travail ensemble. Ensuite parce qu’Une Femme se déplace, qui a connu un beau succès public et critique à
sa naissance, a été ensuite frappé de plein fouet, au cœur de
sa tournée, par la crise sanitaire que nous connaissons. Et si
nous avons pu sauver une partie de l’existence future de ce
spectacle, je sens que nous nous devons aux uns et aux autres, comme une récompense ou une consolation, de repartir
ensemble vers une nouvelle création originale, une fois dissipés les vents mauvais.
On retrouve donc dans La Force qui ravage tout Ludmilla
Dabo, avec qui j’avais aussi créé Portrait de Ludmilla en Nina
Simone, et qui a remporté le prix du Syndicat de la critique
de la comédienne de l’année en 2020 pour notre comédie
Une Femme se déplace. Elle tient depuis plusieurs années
une place centrale dans mon travail de création. C’est une
magnifique chanteuse, l’une des rares actrices qui sache
combiner avec autant de talent l’art de la comédie et celui
du chant au même niveau.
J’ai également fait appel à Élise Caron, avec qui j’ai travaillé
sur La Chose commune, un spectacle musical consacré à la
Commune de Paris, et qui est une artiste elle aussi polyvalente, connue à la fois pour son travail de comédienne et pour
un parcours musical des plus originaux, qui l’a conduite à
écrire ses propres chansons, et à collaborer aussi bien avec
des musiciens contemporains (Jacques Rebotier) que des
ensembles de jazz (Andy Emler et le Mégaoctet).
On retrouve également Jacques Verzier, un des rares acteurs
en France à mêler le chant, le jeu et la danse avec autant de
dextérité et de talent, ce qui l’a conduit à participer à un
nombre incalculable de comédies musicales.
On retrouve également l’ensemble des interprètes d’Une Femme se déplace: le comédien et excellent chanteur Mathias
Girbig, que l’on a vu dans les spectacles musicaux de Mathieu
Bauer, Antoine Sarrazin, Yannick Morzelle et Candice Bouchet
qui ont fait leurs classes au CNSAD, Emma Liégeois de l’École
du TNS, et qui possède d’excellentes capacités lyriques, Pauline Collin ancienne élève de l’école de Montpellier. J’ai eu
l’occasion de les voir jouer sous la direction de metteurs en
scène importants, Candice avec Vincent Macaigne (Je suis un pays) et Guillaume Vincent (Les Métamorphoses), Emma
avec Mathieu Bauer (La Nuit américaine, où elle chantait no-
tamment un morceau d’Arvo Pärt), Pauline Collin avec Pa-
trick Pineau ou Cyril Teste (Nobody). Se joindra à eux Alix
Kuentz, acteur et excellent danseur.
LA DANSE
Comme pour Une Femme se déplace, j'ai demandé à la chorégraphe Glyslein Lefever de faire partie de ce projet, à la fois pour la danse et pour diriger l’ensemble des mouvements scénique, et la partition gestuelle, disons l’en deçà de la danse. J’avais été séduit par son travail à la Comédie-française auprès d’Éric Ruf (Roméo et Juliette) ou à l’Opéra comique, avec Christian Hecq et Valérie Lesort (Le Domino noir). Je vois en elle une chorégraphe qui sait amener la danse vers le théâtre, et les acteurs vers la danse, notamment dans les chorégraphies de groupe, et produire une danse à la voix inventive et réjouissante.
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