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Accueil de « L'Entêtement »

: Texte de Jean-François-Perrier pour le Festival d'Avignon 2011

Il a fallu huit ans à Rafael Spregelburd pour mener à bien son Heptalogie, une oeuvre théâtrale unique en son genre : sept pièces construites en référence au tableau de Jérôme Bosch, Les Sept Péchés capitaux, exposé à Madrid au musée du Prado. Admiré pour sa composition et la diversité de ses possibles interprétations, ce tableau est l'allégorie d'un monde qui se lézarde, d\'un ordre médiéval qui se fracture. Il en témoigne d'ailleurs dans sa forme même, puisque construit sur une fragmentation exigeant de celui qui lui fait face un choix de regard, avec le risque assumé de le perdre dans la fabuleuse richesse de ses représentations. En imaginant son vaste projet, Rafael Spregelburd a choisi de suivre l'esprit de cette construction picturale, en insistant sur la précision des détails, sur le refus d'un centre identifiable, sur la polysémie des signes qui laisse la porte ouverte à l'imaginaire du spectateur. Arrivant au terme de son aventure, il a écrit cet Entêtement, son septième et dernier péché capital et l'a inscrit dans l'Histoire. La pièce se déroule en 1939, à Valence, à la fin de la guerre civile espagnole, qui fut aussi « la guerre de tout un monde ». Pour rendre compte de la complexité des événements et de la charge émotionnelle liée à cette période, Rafael Spregelburd imagine une histoire à tiroirs, se déroulant dans la maison d'un commissaire de police franquiste, qui partage son temps entre son métier et un travail qui le passionne : l'invention d'une langue universelle, le Katak « qui évite la confusion et qui communique directement avec les choses ». Entouré d'un milicien républicain anglais, d'un traducteur russe, d'une domestique française et d'une famille espagnole à la piété « fantasmagorique » – rôles que se partagent quelques comédiens rompus au travestissement –, le commissaire tente d\'élaborer son dictionnaire révolutionnaire au milieu des conflits de toutes sortes qui l'assaillent. Questionnement sur le fascisme et la démocratie, sur l'utopie d'une langue universelle qui pourrait aussi devenir un langage totalitaire, L'Entêtement est également un défi de théâtre. Chacun de ses actes débute le même jour, à la même heure, mais dans un lieu différent de la maison. Une structure qui permet de raconter la même histoire, mais jamais de la même façon, provoquant des remises en question successives sur la réalité des événements auxquels assiste le spectateur. Comme il pourrait le ressentir à la lecture d'un roman policier, où pistes et fausses pistes créent une tension étonnante.
Rafael Spregelburd est argentin, mais son parcours dépasse les frontières de son pays. Il est d'abord boursier du Théâtre Beckett de Barcelone, avant de s'installer temporairement à Londres, puis à Hambourg, Berlin, Stuttgart et Munich, où il exerce son travail d'auteur et de metteur en scène, mais aussi ses activités de traducteur, de comédien ou de pédagogue. Depuis les années 90, en tant que dramaturge, il n'a cessé de mener une exploration formelle aussi féconde que théâtralement efficace. Une recherche dont l'aboutissement le plus évident se trouve certainement dans L'Heptalogie, un ensemble de sept pièces inspiré des Sept Péchés capitaux de Jérôme Bosch, que Rafael Spregelburd redéfinit comme L'Inappétence, La Modestie, L'Extravagance, La Connerie, La Panique, La Paranoïa et L'Entêtement.

Jean-François Perrier

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