theatre-contemporain.net artcena.fr

Accueil de « Juste la fin du monde »

Juste la fin du monde

+ d'infos sur le texte de Jean-Luc Lagarce

: il s’agit bien ici de “refaire”

Par Jean-Charles Mouveaux

Hâtez-vous lentement, et sans perdre courage,
Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage,
Polissez-le sans cesse, et le repolissez,
Ajoutez quelquefois, et souvent effacez.


J’emprunte à Nicolas Boileau cette strophe, tant elle paraît répondre à ma volonté de re-créer Juste la fin du monde.
Car il s’agit bien ici de “refaire” et non de reprendre, pour citer Peter Brook.


Depuis ma première mise en scène de ce texte, voilà déjà douze ans, j’ai exploré la totalité de l’œuvre de Lagarce. C’est en partie mon interprétation de Du luxe et de l’impuissance sous la direction d’Ivan Morane en 2014, qui m’a donné l’envie de refaire ce spectacle, m’en donnant une lecture nouvelle. Comme une nécessité.
Èvidement, le temps aussi m’a donné de nouvelles armes pour aborder un spectacle, sa forme et ses enjeux.


À l’origine, c’est l’écriture de Lagarce qui m’a tout d’abord captivé et fait découvrir son œuvre récente, mais déjà classique ; cette nécessité et cette précision du langage pour mieux se connaître soi et les autres. Une écriture dans un entonnoir, des mots dans un alambic ; une parole “en marche”, qui bute, trébuche, s’accélère, ralentit, mais avance avec opiniâtreté dans le seul souci de dire, de résoudre, de remettre l’homme dans la cité.
2005/2017 : que c’est-il passé ? L’histoire nous apprend que le temps tente de nous apporter la paix et le progrès, tant industriel que social. Ces récentes dernières années et celles qui se dessinent clairement, semblent bien vouloir écrire une toute autre histoire du monde…


Juste la fin du monde, comme une expression de l’impossible : « Si je fais ça, ce sera la fin du monde ! » ?
Un homme « jeune encore », à la porte de sa propre disparition, la fin de son monde, son univers, son environnement, sa famille, ses communautés… tout cela à la fois ! Le prisme familiale de cette pièce est le reflet de nos sociétés, avec ses intolérances, ses replis, ses conflits, ses désirs, ses doutes, ses pulsions destructrices ou merveilleuses, dans un incessant aller-retour émotionnel.


À notre époque où domine le renoncement à l’autre, regarder autour de soi, rester éveillé, vigilant, dans une saine colère, c’est ce que nous dit Juste la fin du monde et au sens plus large, l’œuvre de Jean-Luc Lagarce et qu’il faut mettre en évidence ici.


Enfin, toute l’action de Juste la fin du monde est menée par l’unique volonté et le seul point de vue d’une personne : Louis. Sommes-nous dans la réminiscence, dans l’espoir, l’envie ou le fantasme de son retour ? Il y a ici, une vision quasi cinématographique (une proposition d’angle de caméra, de montage) qui continue à m’interroger et me fasciner ; c’est aussi à cet endroit que se trouve tout l’enjeu de notre travail, en s’appropriant la construction et la rythmique de l’écriture, sans la rendre formelle.


Et toujours « faire spectacle » de tout cela, sans lamentations, sans ennui.

Jean-Charles Mouveaux – Directeur artistique de L’Équipe de nuit et metteur en scène

imprimer en PDF - Télécharger en PDF

Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné, Je me connecte Voir un exemple Je m'abonne

Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.