Jésus de Marseille : j’ai proposé à Serge de réfléchir et d’écrire à partir de ce titre aussi énigmatique que la cité phocéenne elle même. Nous en avons beaucoup parlé et, cet été, il s’est mis à écrire un évangile, un évangile vallettien dans un Marseille vallettien à la géographie forcément poétique, et à une époque plutôt actuelle quoique bien peu repérable. Un Marseille qui serait, qui est, à la fois de partout et de toujours.

Le premier état de texte que nous a transmis Serge, nous a permis de commencer à travailler avec Bernard Lotti.

À interroger cette figure, ce prétendu Jésus, Jésus de pacotille, Jésus soudain vallettien, dont le verbe amphigourique se serait brusquement incarné, réincarné (?), mais qui demeure – et peutêtre devra demeurer – aussi énigmatique que lors de mes premières discussions avec Serge : ou comment le rêve d’un seul peut devenir le rêve éveillé de tous…

À imaginer la façon dont les spectateurs peuvent être conviés à sa rencontre, car le théâtre commence dans leur tête bien avant qu’ils n’arrivent dans la salle du théâtre et, comme pour Les gens d’ici, nous chercherons à entretenir ce léger décalage du rituel théâtral qui préserve la décontraction qui les a conduits jusqu’aux portes du théâtre : ou comment les désirs de tous peuvent se fondre en un seul désir…

À envisager des hallebardiers amateurs vaguement échappés des cintres, comme des figures théâtrales décalées, figures de la foi et du doute, larrons, en foire, interrogeant la nécessité théâtrale d’être ou de ne pas être, précisément là, à cette place, à cette marge du plateau, ou même ailleurs : ou comment les doutes de quelques uns peuvent devenir le théâtre de tous…

À se représenter la scène comme le lieu de tous les possibles et impossibles, de toutes les apparitions et disparitions, comme la cour de tous les miracles : ou comment la folie d’un seul souffrant de ruptures sporadiques dans la continuité de sa raison, peut entretenir chez tout un chacun un doute salutaire…

À persévérer dans cette envie passionnante depuis Les Gens d’ici, d’associer les habitants de chaque ville de tournée et de renouer un peu des liens défaits entre les êtres. Toujours est-il que c’est également, pour moi, donner ou redonner un sens à l’appellation non contrôlée d’artiste associé à des lieux de créations, d’y réinjecter mon propre intérêt et ma propre responsabilité.

Christian Mazzuchini