: Note d'intention
Il n’est pas question ici d’incarner Jaurès.
Je souhaite prolonger sa vison humaniste : l’idée qu’il existe un lien entre tous les hommes sur la planète, mais aussi entre les époques, un lien avec ceux qui nous ont précédés, et ceux qui nous suivrons dans l’histoire de l’humanité. La parole de Jean Jaurès portée par notre comédien Benoit Marchand, mais aussi par tous les artistes du projet, et peut être aussi pour quelques phrases, par des spectateurs.
Nous reprendrons quelques extraits de discours à l’assemblée, de correspondances aussi, mais surtout, nous irons puiser dans ce texte méconnu, métaphysique et souvent lyrique qu’est son mémoire de philosophie paru en 1881 : « De la réalité du monde sensible ».
« Écoutez les murmures du soir qui flottent avec l'herbe et le vent et le rêve des êtres. C'est vraiment un murmure divin ; et lorsque l'âme écoute et croit entendre le silence infini de la nuit, elle ne se trompe pas : elle est traversée et émue par le vol mystérieux des pensées, des songes, des âmes. Ce vague frisson semble devenir une voix… »
Je souhaite également mettre en avant
l’idée d’une pensée « en marche ».
Un homme qui réfléchit en marchant dans
la campagne de sa région, un homme qui
sait changer d’opinion, qui ne se fait pas
d’illusion sur la nécessité de convaincre et
convaincre à nouveau, sans cesse, y
compris ceux qu’il considère comme ses
amis de coeur. Un homme qui réfléchit
avant de parler, qui se documente avant
de s’engager. Un homme qui va puiser
son énergie dans la nature :
« Un soir, je causais avec un laboureur au sommet d’un coteau qui dominait une grande étendue de pays. L’air était transparent et calme : nous regardions la montagne lointaine, d’un bleu sombre qui fermait l’horizon. Il nous sembla entendre un murmure très vague qui arrivait vers nous : c’était le vent du soir qui se levait au loin sur la montagne, et, dans la tranquillité merveilleuse de l’espace, le premier frisson des forêts invisibles venait vers nous. Le paysan écoutait, visiblement heureux ; il me dit en son patois « Lou tèn ès aousenc ». L’expression est intraduisible dans notre langue. Il faudrait dire : le temps est entendif. Le mot exprime cet état de l’air qui est pour le son ce que l’absolue transparence est pour la lumière. »
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