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Je suis le vent

+ d'infos sur le texte de Jon Fosse traduit par Terje Sinding
mise en scène Gabrielle F.

: Note d'intention

Je suis le vent nous parle de l'appel du néant. Deux individus voyagent sur une barque de fortune entre îles et récifs, de la calme mer à la haute mer. Cheminant, ils s'interrogent sur la possibilité de sauter à la mer, disparaître sous les flots et ainsi échapper à une existence absurde. Car exister avec lucidité implique une dévalorisation de la vie, amène à reconnaître son inutilité et son insignifiance, à percevoir l'obscurité et le vide en soi et autour. Ce vide du moi qui pense, ce vide du moi qui agit. Sur ce long chemin vers le bout du possible de l'existence, il y a le dénuement, et cette audace d'être celui qui se dépouille en conscience. A l'extrémité ne subsiste alors que la fièvre du défi, reconnaître le vide et choisir de s'y livrer tout entier.


Écrit en 2010 par Jon Fosse, dramaturge norvégien, ce texte ne cesse de charmer par sa simplicité apparente, la beauté de sa langue et l'actualité de son questionnement. Dans cette période récente où nous fumes pour beaucoup poussés à un isolement forcé, où les questions fondamentales sur l'être et son rapport au monde sont devenues cruciales, dans ce silence enfin et ce vide que nous avons traversé, ce texte esquisse la possibilité d'un cycle, mourir pour pouvoir renaître, s'abandonner pour refleurir.


« Le rire pressent la vérité que dénude le déchirement du sommet : que notre volonté de fixer l'être est maudite .. L'homme n'est plus comme la bête, le jouet du néant, mais le néant est lui-même son jouet – il s'y abîme, mais en éclaire l'obscurité de son rire, auquel il n'atteint qu'enivré du vide même qui le tue » – Georges Bataille


Mettre en exergue ce néant – lui-même – jouet évoqué par Bataille passera tout d'abord par une scénographie concrète d'objets quotidiens disposés dans un espace intime d'où la vie s'est retirée. Le mobilier semble un décor, privé de son utilité et de sa présence. Les personnages y sont comme en sursis, comme si eux aussi allaient disparaître, se réifier dans la non-présence et le décorum. Ils retarderont cet instant en remettant ce mobilier petit à petit en mouvement, en l'affabulant via le jeu de la navigation, en le poétisant via le détournement de ses aspects utilitaires.


« C'est quelque chose qui est
Et aussi quelque chose qui n'est pas
et qui pourtant est plus présent
que ce qui est »


L'emploi du masque renforce le caractère universel et grotesque de ces personnages. Amplifiant le geste et l'émotion, il souligne la vanité désespérée de ce jeu perdu d'avance. Esthétisant les lignes de corps, il ouvre néanmoins un espoir ... la possibilité de la beauté, du rire comme résistance à la pesanteur.


Je suis le vent est une suspension dans ce saut dans le vide, il est l'instant où la parole et la pensée s’effritent, où le désir de porter sa personne au pinacle comme le suggérait G.Bataille culmine puis s'affaisse. Là dans l’exaltation de la chute et plus tard durant la lente agonie sous la mer houleuse, là enfin réside l'apaisement, la vibration, la possibilité d'être le vent.

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