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Inventaires

+ d'infos sur le texte de Philippe Minyana

: Le Marathon de la parole

Je travaille à saisir le réel qui m’entoure et à le cadrer. Pour ce faire, j’utilise l'interview et le dépouillement minutieux (essentiellement Libération qui donne d’emblée une fiction du fait-divers ou du fait de société). Au départ, c’est un travail de fourmi. Je fais des dossiers. J’empile des chemises en carton sur lesquelles j’ai écrit des titres (je ne peux pas écrire si je n’ai pas le titre). Ensuite, je fais des plans dont chaque partie est nourrie d’articles de presse. Ile me semble que ce geste artistique est valable pour tous les créateurs. Je pense à Christian Boltanski (cela fait longtemps que des plasticiens accompagnent ma recherche) qui travaille sur le relevé du quotidien, du trivial, de l’ordure même… en tous cas, des choses apparemment insignifiantes qu’il isole, dont il se saisit et qu’il dresse. Lui, les met sous verre et moi, je les met en langue. Ce sont des démarches très similaires. J’essaie de faire entendre le « bruit du monde ».
Tout est parti d’un premier travail avec Edith Scob (au Théâtre Essaïon et avec l’aide de France Culture). En plus des répétitions au théâtre, nous convoquions des gens (la population du quartier) dans le studio de radio afin qu’ils nous racontent leur vie. Il faut préciser que c’était en 1986, c’est-à-dire avant que les « reality show » n’envahissent les chaînes de télévision.
J’ai découvert Boltanski à ce moment précis, par ce magnifique travail : Inventaires des objets, ayant appartenu à une femme, ayant vécu à Bois-Colombes. Dans la maison d’une petite-dame ouvrière, morte à soixante-dix ans passés, il avait ramassé les ordures et les avait mises sous verre. Tout à coup, se trouvaient dressées devant nous, les mythologies des gens. Avec mes amis : Robert Cantarella, Florence Giorgetti, Judith Magre et Edith Scob, nous avons voulu relever le défi. Je me suis donc mis en quête de « doubles » de ces trois actrices et j’ai choisi trois dames (ma voisine, une amie d’Edith Scob et la mère d’un ami) que j’ai vues plusieurs fois et interviewées.
L’interview, seule, n’a pas de valeur artistique. Elle m’apporte de précieux « cadeaux » sur le réel (comme la guerre que je n’ai pas connue) mais, c’est surtout du commentaire, des réflexions anecdotiques. Il faut vite oublier les cassettes et tout réécrire. Une fois le réel saisi, on le tord. Une alchimie fait qu’on le transforme.
Nous avions donc conçu trois monologues qui nous semblaient trop « sociologiques », c’est pourquoi nous avons inventé cette sorte de jeu : « Le marathon de la parole ».

Philippe Minyana

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