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Institut Ophélie

mise en scène Nathalie Garraud

: Vous voyez une femme...

Par Olivier Saccomano et Nathalie Garraud

Sur la scène, une femme recluse, coupée du monde tel qu’il va.
Une femme en représentation, hantée par la représentation des femmes dans l’histoire du siècle et dans l’histoire de l’art.
Une femme à la fois objet et sujet de la représentation, hantée par un rêve de peinture qui la pousse à faire naître des tableaux vivants, peuplés de figurants de l’Histoire, de fantômes, de spectres : une fresque entre quatre murs, où se mène une lutte sans merci avec les images.


Au creux des images revient, à intervalles réguliers, le nom d’Ophélie : le nom théâtral d’une jeune fille prise au piège du jeu d’images et de valeurs où des hommes-bouffons et meurtriers tiennent le pouvoir, d’une jeune fille qui doit rester à sa place ou se retirer dans un couvent, qui en vient à délirer devant la Cour une chanson obscène, et qu’on retrouve enfin noyée dans une rivière. Pouvoir des images, enfermement, folie, suicide : il y a, dans nombreux destins de femmes au XXe siècle (Rosa Luxembourg, Virginia Woolf, Camille Claudel, Sylvia Plath, Marylin Monroe, Sarah Kane...) des « moments-Ophélie » récurrents à partir desquels sonder la persistance des représentations et les visages de l’oppression.


Chaque femme, comme Ophélie, est menacée au fil de son histoire par une capture, une fixation, un arrêt sur image (ce que les mouvements militants ont nommé : une assignation). Et, au fil du temps, des « institutions » (la famille, la nation, le marché de l’emploi comme le marché de l’art) ou des sortes d’« instituts » diversement matérialisés (maisons, couvents, cliniques psychiatriques, musées) ont participé à l’orientation des représentations féminines.


Notre titre, Institut Ophélie, est donc un champ de bataille où des forces cherchent à instituer une image de la femme (fût-ce celle de la femme sacrifiée, sous les traits de la jeune fille shakespearienne), à l’objectiver, à la privatiser, à la vendre (destin contemporain des images par temps de néo-libéralisme), et où une femme cherche de toutes ses forces à fissurer l’image sur elle projetée, pour en exhiber les mécanismes et en dérégler les évidences.


Dans le Hamlet de Shakespeare, au début du XVIe siècle, à la naissance du capitalisme patriarcal, Ophélie finit noyée dans une rivière d’où sortent depuis quatre cents ans des tableaux et des poèmes. Dans l’Hamlet-Machine de Heiner Müller, à la fin du XXe siècle, elle finit enroulée dans les bandelettes de gaze d’une clinique psychiatrique et hurle avec Électre un cri de mort et d’insoumission. Dans cet Institut qui porte aujourd’hui son nom, une femme reprend le flambeau d’une lutte infinie.

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