: Note d'actrice
Par Johanna Nizard
9 février 2021, je reçois un mail de Delphine avec
comme objet «Un peu de lecture…Il n’y a pas de Ajar».
Je lis la pièce dans la foulée. Plus ma lecture avance et
plus la voix s’invite. Les mots commencent à rouler dans
ma bouche.
Je ris.
Je m ’ étonne de l’éclat et de l'irrévérence.
Immédiatement je pense à Desproges. Je lui réponds:
« Prenons un café ! »
Le café du matin deviendra le lien de tous nos échanges
et séances de travail. J'y retrouve Stephan Habib, ami
d'enfance, qui travaille avec Delphine depuis des années
sur la pensée juive et la philosophie. Arnaud Aldigé
nous rejoindra: un quatuor se forme. Les questions
affluent sur le texte, et les rires explosent à la table de
cuisine de Delphine.
U N SEUL ( E )- EN - SCÈNE S ’ INVITE DONC À NOUVEAU DANS MON PARCOURS SOUS UNE TOUTE AUTRE FORME .
Une forme qui interpelle, tutoie, interroge, provoque et
critique de manière ouverte et acerbe notre société. Elle
est celle d’un rendez-vous: « Tu m’as retrouvé dans ce
trou perdu. C’est donc que tu savais exactement où me
chercher, dans une cave toute noire qui sent le livre
moisi. La filiation fictive, ça te connaît. Sinon, tu ne
serais pas là. »
Ce sera un terrain d’expérimentation: un théâtre de la
solitude, de la transformation, où le comique et la
virtuosité de la pensée sont convoqués.
JE SERAI A BRAHAM : FILS D ’E M I L E A J A R .
Invitation dans une zone inédite.
Romain Gary a créé Emile Ajar.
Delphine Horvilleur a mis au monde Abraham Ajar
QUAND DIEU DIT À A BRAHAM : «QUITTE LA MAISON DE TON
PÈRE !», J'ENTENDS :
«QUITTE CE QUE TU SAIS FAIRE, CE QUE
TU CONNAIS !».
«IL N’Y A PAS DE AJAR » m’invite précisément à me
quitter, à quitter mon identité, "à partir de moi", à partir
à la découverte de ce que je connais et de ce que
j’ignore encore de moi-même.
Il s’agira donc d’engendrer un corps, des visages, une
voix nouvelle, pour échapper à la fixation. Je veux sortir
de la claustrophobie de ma propre image afin d'entrer
en relation avec l’autre.
Abraham Ajar est un être intermédiaire,
indéfinissable, une surface neutre où tous les âges et
visages peuvent s'inviter, «un python, une souris
blanche, ou un bon chien ».
Delphine Horvilleur repousse toujours les limites, pour
convoquer plus grand que soi, pour faire surgir autre
chose que ce que nous croyons être. Elle invite tous les
spectateurs, croyants, non-croyants, à s’exiler d'eux-
même, à partager sa vision d'un théâtre qui parle de
notre époque, avec humour, en se penchant sur le passé
pour mieux construire demain. «Un bon traumatisme, ça
s’imprime sur plusieurs générations. Ça dégouline sans
gène.Mais s'il n'y avait pas eu la Shoah, on n’aurait
jamais pu le savoir. On doit tant à l’Allemagne.»
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