Enfant, mon imagination était débordante : un bâton devenait une épée, une bouée pouvait être un bateau, une bouteille en plastique avait la valeur d’un trésor.
Quand le monde extérieur me parvenait avec trop de violence, je l’apprivoisais tant bien que mal grâce aux histoires que je me racontais.

Durant mon adolescence, une pensée rationnelle et cartésienne s’est substituée à mon imaginaire. La nécessité de mettre en place face aux difficultés de la vie des défenses concrètes et efficaces, de donner des réponses construites aux problèmes nouveaux qui se présentaient à moi m'ont fait devenir quelqu’un qui sait « fonctionner » face aux attentes de nos sociétés occidentales. La part du rêve et du sens a réduit comme peau de chagrin.

La croyance en la toute-puissance d’une pensée où 2 et 2 font 4 a fait naître en moi frustrations et souffrances.
J’avais tu la part de l’imaginaire, du symbolique et du poétique dans la vie.

Désormais, je pense que c’est elle qui donne le sens, qui vient compléter les brèches ouvertes par le Mystère, qui remanie les faits, leur donne leur juste place dans nos géographies intérieures et nous permet ainsi d’être acteurs de nos vies.

Le défi a donc été pour moi de reconquérir ce territoire perdu, ce pays oublié que sont les contrées intérieures.
Pour cette conquête, le plus compliqué est qu’il ne faut rien faire.

Laisser aller.

Etre. Rêver. Vivre.

Surtout se départir de plusieurs croyances : la pensée concrète, rationnelle et l’imaginaire ne sont pas antithétiques, ne s’opposent pas. Les contrées intérieures n’enferment pas forcément, elles peuvent aussi être un point d’ancrage suffisamment solide pour partir à la rencontre de l’autre, aller dans le Monde et dans la vie.

J’ai l’intime conviction que c’est de cela dont nos sociétés actuelles ont besoin.

Grégoire Blanchon