: A propos de la création de Hyènes
par Patrice Douchet, Directeur du Théâtre de la Tête Noire
Quand Thierry Falvisaner est venu me voir
pour me demander si j’étais intéressé par ce
qui l’intéressait, lui, à savoir une résidence
au Théâtre de la Tête Noire pour mettre en
scène Hyènes de Christian Siméon avec Arnaud
Aldigé, je me suis dit : « pourquoi pas ! »
Je connaissais Thierry, ses enthousiasmes, ses
emballements et son sérieux dans le travail.
Je connaissais Arnaud et j’appréciais son univers
d’acteur-interprète.
Je connaissais et j’aimais le texte l’ayant lu
quelques années auparavant.
Trois bonnes raisons.
Nous en avons parlé en équipe
et nous nous sommes dit
« pourquoi pas ! ».
Les répétitions ont commencé
et nous avons senti tout de suite
qu’il allait se passer « quelque
chose ».
Les rencontres avec Christian Siméon étaient fréquentes et passionnantes, le travail au plateau était intense mais serein, les initiatives en direction du public et en particulier vers les lycéens étaient menées avec ferveur et conviction.
Et l’heure de la première représentation est arrivée.
Je n’ai pas pour habitude d’assister aux répétitions, un metteur en scène peut toujours gêner un autre metteur en scène, quand il cherche.
Je suis donc arrivé vierge de tout avis, si ce n’est ceux de mon équipe qui me semblait très confiante.
Je trouve que la proposition est remarquable. La mise en scène s’est mise au service du texte et prend des risques sans jamais être ostentatoire.
Et si elle s’appuie souvent sur l’énergie de l’acteur, elle ne masque pas pour autant le sens profond du texte.
Scène après scène, le personnage « condamné
à mort », à tords ou à raison, (là n’est pas le
problème), se révèle, nous repousse et nous
attire en l’espace de quelques secondes, au
détour de chaque fulgurance de folie.
Nous sommes rivés au moindre de ses excès,
prêts à le suivre dans tous les méandres de ses
amours mutilées.
La composition d’Arnaud Aldigé est subtile,
physique, métaphysique, et
éminemment poétique.
Il est entré en fusion avec
Théodore Frédéric Benoît, le
jeune homme qui va mourir
demain et qui s’adresse à nous
pendant une heure et vingt
minutes dans un face-à-face
implacable sans aucune
possibilité ni envie de fuir
cette confrontation ultime et
nécessaire.
La scénographie, toute de blanc et de rouge est juste, les lumières simples c’est-à-dire évidentes, c’est-à-dire travaillées au plus près du sens, le costume qu’il soit de tissu ou de peau (quand l’acteur joue nu) est très pertinent, intemporel, mais signifiant, dans le sens théâtral du terme.
L’hommage-clin d’oeil à l’acteur Michel Fau (créateur du rôle) qui prête, dans le spectacle mis en scène par Thierry Falvisaner, sa voix singulière au juge qui conduira T.F Benoît à l’échafaud, loin d’être un effet encombrant rajoute de la tension.
En plus cela écrit une belle dédicace dans
l’histoire du texte de Christian Siméon en tissant
un lien entre deux mises en scènes différentes.
J’aime cette trace d’un travail dans un autre
travail.
Le public qu’il soit adulte ou adolescent (j’ai
assisté à deux représentations) est totalement
happé par ce journal intime et le silence qui
précède les applaudissements chaleureux
témoigne du choc émotionnel subit.
Il faut dire que la fin du texte ne fait pas de
cadeau, elle pose le point de vue humain, de
la sauvagerie « politique », elle s’adresse aux
condamnés à mort, à tous les condamnés à
mort, celui du fait divers de 1832 qui a inspiré
l’auteur comme ceux de notre 21ème siècle,
dans les Etats-Unis d’Amérique ou dans tout
autre pays aux lois archaïques et barbares.
J’ajouterai que la disponibilité de l’auteur, du metteur en scène et du comédien pour animer des rencontres, préparer les jeunes spectateurs, échanger avec le public a été exemplaire.
Patrice Douchet
Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné,
Je me connecte
–
Voir un exemple
–
Je m'abonne
Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.