Monter Huis clos avec des comédiens, roumain, croate, allemand et togolais, c’est d’abord faire résonner la langue de Sartre avec un florilège d’accents qui vont plonger le spectateur dans une atmosphère étrange, une sorte de Tour de Babel démoniaque qui va revitaliser ce texte et lui donner une portée encore plus universelle. Un des enjeux majeurs de ma mise en scène consistera à assumer pleinement l’origine des comédiens et à m’en servir dans le travail de direction d’acteurs comme base de construction de chaque personnage.

Un autre enjeu sera d’éviter de faire tomber cette pièce dans une simple mise en parole théâtrale de la pensée sartrienne, ce qui est d’autant plus difficile car l’action se déroule dans un espace unique. Néanmoins, Huis clos est une formidable machine à jouer car elle propose des rôles d’une grande complexité qui, au fur et à mesure de la pièce, vont révéler leur nature monstrueuse mais banalement humaine.

En commençant à travailler avec les comédiens, nous nous sommes très vite aperçu que la violence contenue dans Huis clos n’était pas uniquement verbale mais qu’elle s’exprimait par les corps des personnages. En effet, ils se touchent, se désirent, se repoussent, se brutalisent, ce qui me fait attendre des comédiens un fort engagement physique pour bien mettre en avant l’atmosphère inquiétante, étrange, et surtout intense de ce huis clos.

Avant de se plonger dans le détail du texte, nous partions avec quelques a priori sur le style de ce texte en pensant qu’il était assez monocorde. Or, on se rend compte que Sartre fait appel à de multiples genres théâtraux et littéraires : comique, tragique, romantique, boulevardier, parodique… Il s’agira donc de faire entendre aux spectateurs cette profusion stylistique en mettant en avant la richesse de l’écriture de Sartre et de créer des situations nuancées faisant appel à différents types de jeu.

Je désire m’appuyer sur une création sonore autour du thème de l’Enfer. En faisant appel à des références aussi bien classiques (Schubert, Liszt…) que contemporaines (AC/DC…) j’espère provoquer un véritable théâtre d’action et non pas un théâtre de discussion et réussir à montrer la modernité de ce texte, en particulier ce qu’il transmet sur la nécessité et la difficulté du vivre-ensemble, ce qui me semble plus que jamais actuel dans notre société où l’individualisme est l’idéologie dominante.

Vladimir Steyaert