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Je calcule : encore quelques heures avant le départ du car. Le passage des frontières et trois changements d’avion. Dans moins de trente-six heures, ma nouvelle vie va commencer. Je calcule : les meilleurs amis au courant, les objets de l’appartement donnés en garde, les parents au courant de rien. Je n’ai pas eu la force de leur faire mes adieux. Je leur téléphonerai du premier pays voisin pour leur annoncer l’inévitable.
Je calcule : la CNN prévoit la poursuite des bombardements pendant l’été. Milosevic est plus fort que jamais, du sommet de son pouvoir il devra inévitablement chuter. Quelques mois encore, une année, une décennie peut-être – cela passera vite.
J’additionne les faits, je les multiplie par les émotions, j’introduis des inconnues, je multiplie de nouveau, je multiplie : l’équation devient insoluble.
Si je pars maintenant, qu’est-ce que je gagne ?
La sécurité, c’est sûr. Généreusement, mes amis allemands m’offrent tout : la vie dans une très belle ville, le travail que j’aime, le confort et la paix.
Je divise : si je pars maintenant, qu’est-ce que je perds ?
La peur pour ma propre vie, l’anxiété existentielle, la peur d’un futur incertain. Les choses de la vie auxquelles je renonce facilement.

Et puis, soudain, je me lève. Je renonce aux mathématiques, je regarde autour de moi, je regarde par la fenêtre, je me lave, je prends un somnifère et, tranquille, je vais me coucher.
Noir.(…)

Le matin m’a trouvée à Belgrade…
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Tiré du Journal de Belgrade
de Biljana Srbljanovic
Texte français Ubavka Zaric
en collaboration avec Michel Bataillon